Côte d'Ivoire: Anacarde et Hévéa, des richesses porteuses de pénuries
L'augmentation des surfaces consacrées à la culture de noix de cajou, d'hévéa, de Cacao et autres produits concurrentiels, risque de pousser les paysans à importer le riz, le maïs, le mil pour leur propre consommation

Abidjan
AA / Abidjan (Côte d’Ivoire) / Issiaka N’Guessan
Cultures porteuses, notamment à l'exportation, l'Hévéa et l'Anacarde accaparent chaque jour, un peu plus de terres agricoles en Côte d'Ivoire. Une tendance qui impacte directement les autres cultures dites vivrières et les bourses des Ivoiriens, confrontées du coup à une enflée exceptionnelle des prix des denrées de première nécessite comme le manioc, les bananes, les tomates....
Premier producteur mondial de noix de cajou (Anacardier) avec 702 mille tonnes en 2015 et premier producteur africain d'Hévéa (arbre d'où est extrait un latex transformé en caoutchouc) avec 400 mille tonnes pour la même année, la Côte d'Ivoire doit, toutefois, rationaliser l'exploitation de ces cultures qui se font aux dépends d'autres, dites traditionnelles, selon plusieurs observateurs, spécialistes et consommateurs ivoiriens.
Un constat déploré surtout par les mères de famille qui se plaignent de la flambée des prix. "On ne peut plus faire son marché même avec 2000 FCFA [4 dollars US]", note Aminata, mère de famille rencontrée par Anadolu dans un marché de Bouaké (centre).
Un petit tour dans les marchés à Yopougon (district d'Abidjan-Sud) suffit pour constater l’ampleur du déficit de manioc. L'attiéké (Couscous à base de manioc) , jusque là, à la portée de tous, est devenu une denrée de luxe, note une mère de famille
Interrogée par Anadolu, Viviane Assiata Kouadio, présidente de la plateforme d’innovation de manioc de Bouaké, déclare que derrière ce recul de la production il y a plusieurs facteurs. Si le principal est dont "le manque de la main-d'oeuvre, à cause du vieillissement des ouvrières qui quittent les champs sans être remplacées; l'augmentation des plantations de noix de cajou n'en demeure pas moins une véritable menace aussi".
En effet de plus en plus d'agriculteurs cultivent la noix de cajou, l'hévéa mais aussi le cacao et le café, identifiés comme largement plus porteurs que les cultures vivrières.
Le prix de vente de la noix de cajou a connu un bond significatif depuis 2012, témoigne un agriculteur, rappelant qu'avant cette date, le kilo était vendu à 200 FCFA (moins de 0,5 dollars) en bord-champ, il est passé ensuite à 275 fcfa (environ 0,5 dollars ) pour atteindre 500 FCFA (1 dollar) en 2014.
Joint par Anadolu, Vazoumana Koné, responsable régional de l’Association nationale des organisations professionnelles agricoles de Côte d’Ivoire (Anopaci) à Divo (Sud) reconnaît que "le palmier à huile, l’hévéa et le cajou ont durant les dernières années, occupé de plus en plus de surfaces cultivables" dans cette région du pays.
Par ailleurs,"L’hévéa, arbre qui appauvrit les sols et absorbe dix fois plus de nutriments que les autres cultures accapare 70 % des terres cultivable à Divo. Quand ce n’est pas l’hévéa, c’est le palmier à huile. L’aubergine manque considérablement et il n’y a pas de manioc sur le marché", a-t-il encore déploré.
Pour Miaman Koné, directeur des études à l’Agence nationale pour l’appui au développement rural (Anader), "dans certaines régions du nord du pays, la noix de cajou se présente comme une contrainte dans la mesure où elle prend de plus en plus de place au détriment des cultures vivrières. Les producteurs étant attirés par le gain de telles cultures alors que le marché du vivrier, non structuré, perd chaque jour de son attractivité".
"Malgré le rôle essentiel joué dans la lutte contre la pauvreté en milieu rural, la transformation de la noix de cajou, concernant environ 6.4% de la production, reste faible. En outre l’anacardier, cet arbre produisant la noix de cajou, est une plante pérenne et dévoreuse d’espace. Il menace de plus en plus les terres cultivables réservées aux vivriers", relève de son côte Simplice Koffi Yao, spécialiste de l’espace rural et de l’aménagement du territoire à l'université Péléféro Gon (Korhogo Nord)
Il cite à titre d'exemple la Région de la Bagoué (Boundiali, Nord), où les superficies consacrées à la culture de noix de cajou sont de l'ordre de 36.567 ha soit 37,65% des terres emblavées, dépassant celles consacrées aux vivriers et aux cultures maraîchères réunies. Celles-ci ne dépassent pas les 23,15% des superficies cultivées (22.488 ha).
Une situation qui touche plusieurs régions aussi bien dans le sud que dans le nord du pays et qui dicte l'engagement d'actions appropriées.
Selon une récente publication diffusée sur le portail de l'agriculture ivoirienne (agrici.net), l'augmentation des surfaces consacrées à la culture de noix de cajou, d'hévéa, de Cacao et d'autres matières premières autrement concurrentielles, risque de pousser les paysans à importer le riz, le maïs, le mil pour leur propre consommation.
Le président ivoirien Alassane Ouattara, avait lui même déploré la hausse des prix des produits de première nécessité.
"Ma boule d'attiéké a diminué, je sais que l'attiéké se fait de plus en plus rare sur le marché et lorsqu'on en trouve, la petite boule coûte près de 500 FCFA (1 dollar)", avait-il déclaré à l'occasion de la fête du travail le 1er mai dernier.
S'attardant sur les facteurs qui se cachent derrière cette flambée des prix, Ouattara a cité la sécheresse des derniers mois, la spéculation exercée par certains intermédiaires et la réconvesrion de nombre de plantations de manioc en plantations d'hévéa.
Cette prise de conscience au sommet de la hiérarchie s'est accompagnée par des actions ciblées.
C'est à ce propos que le ministère ivoirien du Commerce a organisé un atelier à Grand-Bassam sur la prévention de la hausse des prix et la protection du pouvoir d'achat de l'Ivoirien moyen. Parmi les solutions identifiées, la construction de marchés de gros et le financement des coopératives de production de vivriers.
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