Politique, Afrique

Relations Burundo-rwandaises: Un malaise mal caché entre les deux voisins

Pour les observateurs, des différends politiques quant à la situation au Burundi sont à l'origine de ces tensions.

Nadia Al Chahed  | 16.10.2015 - Mıse À Jour : 18.10.2015
Relations Burundo-rwandaises: Un malaise mal caché entre les deux voisins

Bujumbura

AA/Bujumbura/Jean Bosco

Un diplomate rwandais expulsé par les autorités burundaises, début octobre, des sans-papiers d’origine rwandaise arrêtés à Bujumbura avant d’en être chassés en août, les bureaux d’une agence de transport baptisée "Rwanda" vandalisée à Bujumbura et bien d'autres exemples de la même trempe se sont multipliés durant la dernière période témoignant, selon les observateurs de tout bord, de la "dégradation incontestable" des relations entre les deux pays voisins.

Ce malaise, évident pour certains, n'est toutefois pas ouvertement reconnu par les autorités des deux pays qui continuent à s'attaquer via des moyens enrobés, multipliant les critiques réciproques et les mesures, notamment du côté burundais, où les Rwandais se retrouvent pourchassés par la police sous prétexte qu'ils n'ont pas de papiers leur permettant de résider et de travailler dans ce pays.

Cette dégradation des relations entre le Burundi et le Rwanda, deux pays voisins que relient la même langue et beaucoup de coutumes partagées incombe, selon des observateurs à la crise politico-sécuritaire qui secoue le Burundi depuis le mois d'avril à la suite de "l'entêtement" du président Pierre Nkurunziza à briguer un troisième mandat, jugé inconstitutionnel par l'opposition, la société civile ainsi que par des frondeurs du parti au pouvoir.

Cet entêtement a, d'ailleurs été mal apprécié par les autorités rwandaises: Le président rwandais, Paul Kagamé, avait ouvertement critiqué la position de son homologue burundais en avril 2015, soit au lendemain de l'exode massif de réfugiés burundais vers le Rwanda- dans la crainte d’une imminente crise politico-sécuritaire consécutive à l’annonce de la candidature de Nkurunziza.

 "Pour moi  le problème ce n’est pas les réfugiés, il faut se demander pourquoi ils fuient, je pense que le Président Nkurunziza ne devrait pas revenir si le peuple fuit son retour", avait-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse en mai dernier.

Paul Kagame n’a, également, participé à aucun sommet des chefs d’états de la Communauté d'Afrique de l'Est sur la crise au Burundi, une manière de manifester clairement son dédain, estiment des observateurs.

De son côté Bujumbura accuse ouvertement Kigali d’héberger ses opposants, journalistes et autres auteurs du putsch manqué du 3 mai dernier.

Depuis quelques mois, Kigali est devenue comme un naturel point de chute pour les Burundais de l’opposition et de la société civile, en guerre contre le 3ème mandat que le Président Pierre Nkurunziza. Des journalsites burundais en exil au Rwanda ont lancé, depuis Kigali, une radio (en ligne et audio), baptisée "www.inzamba.org" qui diffuse les points de vue hostiles au pouvoir burundais.

Au lendemain d’une attaque perpétrée par des hommes en uniformes depuis une commune burundaise frontalière du Rwanda (Kabarore), au mois de juillet 2015, Bujumbura a, ouvertement, accusé le Rwanda d’héberger des Burundais "malveillants" à son égard.

«Notre pays a été victime d'une attaque rebelle à la frontière avec le Rwanda et nous avons des informations sures quant à la présence de trois généraux putschistes sur le sol rwandais. Des généraux qui ont revendiqué cette attaque», déclarait, à l’occasion d’une conférence de presse à Bujumbura,  Alain-Aimé Nyamitwe, ministre burundais des Relations extérieures et de la coopération internationale.

 «Nous avons communiqué à ce pays, par les canaux appropriés, le sentiment négatif du Burundi à la suite des allégations faisant état d’entraînements militaires de citoyens burundais sur le sol rwandais pour venir attaquer le Burundi», avait-t-il ajouté.

Du coup, beaucoup de Rwandais vivant au Burundi se sont retrouvés à payer les frais de ce climat délétère fait de méfiance et d'accusations mutuelles.

En Août, la police a commencé à patrouiller dans les rues dans l'objectif de débusquer des "clandestins" d’origine rwandaise. Lors de l'une de ces patrouilles, menée le 15 août, une trentaine de Rwandais ont été arrêtés par la police dans le centre de Bujumbura, le sort de ces personnes est à ce jour inconnu.

Cette guerre aux sans-papiers d’origine rwandaise s’est même étendue à l’intérieur du pays, en particulier dans la zone frontalière avec le Rwanda comme la province de Kayanza (Nord à120 km de Bujumbura).

Les membres de la communauté rwandaise vivant au Burundi considèrent cette chasse à l’homme comme étant directement liée à la dégradation des relations entre le Rwanda et le Burundi.

 «C’est peut-être lié au contexte actuel, sinon, nous avons toujours été deux peuples frères, avec une même langue et les mêmes coutumes, d'autant plus que nous sommes également unis par des alliances familiales notamment dans les régions frontalières comme à Kayanza où beaucoup de mariages mixtes sont conclus», a déclaré à Anadolu, Jean Damascène Nikoyagize, un chauffeur de taxi qui fait la navette entre Butare (Sud du Rwanda) et Kayanza (Nord du Burundi).

De son côté l’administration burundaise rejette en bloc l'hypothèse selon laquelle ces opérations policières, seraient en rapport avec des motivations politiques.

«C’est un travail de routine pour la police et ce qui arrive aujourd’hui aux Rwandais pourrait arriver aux citoyens d'autres pays comme les Congolais ou les Tanzaniens vivant à Kayanza», a expliqué à Anadolu Anicet Ndayizeye, gouverneur de la province de Kayanza.

En octobre, ce climat, imprégné de tension et de méfiance, a atteint le niveau diplomatique avec l’expulsion du territoire burundais de Désiré Nyaruhirira, ministre conseiller auprès de l’ambassade du Rwanda au Burundi. Cette décision a été confirmée par Amandin Rugira, ambassadeur du Rwanda au Burundi.

«Nous espérons qu’il y aura de plus amples explications », a-t-il confié à Anadolu. Le gouvernement burundais a justifié cette décision par le fait que Désiré Nyaruhirira « se mêlait trop des questions politiques burundaises», a déclaré, dans un point de presse, le porte-parole du gouvernement burundais, Philippe Nzobonariba.

L’autre point de discorde concerne la participation présumée de rebelles relevant des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) dans la répression des manifestants burundais. 

Selon le rapport établi fin avril, par l'Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues, APRODH, des éléments FDLR ont opéré aux côtés des jeunes Imbonerakure (milice du parti au pouvoir au Burundi) pour mâter les manifestants.

Les FDLR étant un groupe armé formé en République démocratique du Congo 2000 qui défend les intérêts des Hutus rwandais réfugiés et qui est opposé à la présidence de Paul Kagame. 

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