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"Les ONG humanitaires turques s’inscrivent dans une dynamique positive"

Ancien président de MSF, Rony Brauman trouve de l’utilité à toutes les aides humanitaires, y compris celles communautaires et religieuses à condition qu’elles répondent aux besoins des populations en détresse.

23.01.2015 - Mıse À Jour : 23.01.2015
"Les ONG humanitaires turques s’inscrivent dans une dynamique positive"

AA/Tunis/ Saïda Charfeddine

Président de l’ONG "Médecins Sans Frontières" (MSF) pendant plus de 10 ans, Rony Brauman est l’une des figures emblématiques de l’action humanitaire dans les zones de conflits du monde depuis  les années 1980. Il découvre sa vocation à 20 ans, alors qu’il est en fac de médecine en France. Il est médecin spécialiste en pathologies tropicales et  auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur l’aide humanitaire, son utilité, sa justesse, ses lacunes et les possibilités de son instrumentalisation.

Anadolu l’a rencontré à Tunis, pour une interview dont l’intégralité sera publiée ultérieurement. Dans ce passage il parle de la relation de l’aide humanitaire avec le politique et le religieux et trouve de l’utilité à toutes les aides y compris celles communautaires et religieuses à conditions qu’elles répondent aux besoins des populations en détresse.   

Pour Rony Brauman les pays cherchent souvent à avoir de l'influence et  "l’aide humanitaire relève d’une stratégie de rayonnement et de présence internationale. Evidement, il est préférable, dit-il, que les pays de rayonnent  par l’aide qu’ils apportent  aux  populations en crise, que par la déstabilisation et le trafic d’armes.

LA TURQUIE VEUT ENTRER DANS LE CLUB DES PAYS QUI RAYONNENT A L'INTERNATIONAL.

Interrogé sur l'influence montante de la Turquie dans le domaine humanitaire , l'ancien président de Médécins Sans Frontières, déclare que «les ONG humanitaires turques s’inscrivent dans cette dynamique d’ensemble (de volonté de rayonnement à l'international) qui est positive et productive ».  

Selon lui, les ONG turques fonctionnent  comme les autres, elles ont leur savoir faire, leurs préférences  géographiques et thématiques. Certaines sont clairement orientées vers des populations ou des pays musulmans, d’autres sont totalement laïques et agissent en tant que telles.

«Le fait que la Turquie devienne parmi les plus importants donateurs de l’aide humanitaire internationale signale que le pays cherche à développer une politique d’influence, un ‘soft power’. Il  veut entrer dans le club encore assez fermé des pays qui ont un rayonnement international. Et l’humanitaire fait partie des moyens d’entrer dans ce club» a expliqué Brauman.

Il trouve que vue sous cet angle, l’aide humanitaire répond au même objectif que les opérations de maintien de la paix «ce que l’armée turque fait déjà et que la Chine par exemple commence à faire », précise-t-il.

LA CHINE A COMMENCE A ETENDRE SON RAYON D'ACTION HUMANITARE A HAITI

A ce propos, il rappelle que la Chine, qui a des moyens financiers considérables se contentait jusqu’à il y a quelques années d’apporter de l’aide aux pays qui étaient dans son voisinage immédiat en se définissant comme une puissance régionale qui n’avait pas vocation à intervenir sur la scène internationale, en dépit de son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité. 

Le changement de la position chinoise sur la question de l’aide humanitaire a été «frappant» au moment  du tremblement de terre de Haïti, témoigne Rony Brauman:  «La Chine avait envoyé un avion avec une aide qui n’était pas énorme mais significatif». Il explique que c’était une façon pour la Chine de signaler sa volonté d’entrer dans le club des puissances globales  et  «sa présence à Haïti était d’autant plus frappante que d’une part le pays sinistré était très loin de sa sphère d’influence traditionnelle, et d’autre part il appartenait au camp hostile; car Haïti avait des relations diplomatiques avec Taïwan ce qui était, aux yeux de Pékin, un péché mortel».

Brauman reconnait qu’il ya des arrières pensées dans l’action humanitaire: «Chacun cherche peut être à se mettre dans une position avantageuse pour  acquérir des sympathisants, à pousser un pion religieux, etc. cela ne me parait pas si grave, c’est le résultat qui compte», déclare-t-il.   

DANS L'HUMANITAIRE C'EST LE RESULTAT QUI COMPTE:  LE CAS DU DARFOUR

Abordant la relation du religieux avec le secours humanitaire il dit : «Quand on fait de l’humanitaire on ne doit pas sélectionner les destinataires de l’aide en fonction de critères autres que les besoins et la réponse qu’on peut leur apporter. Mais l’aide communautaire et confessionnelle a toujours existé et je ne veux pas les disqualifier. Lorsque des organisations religieuses souhaitent privilégier leurs coreligionnaires c’est leur droit, sauf qu’il faut utiliser les mots qui conviennent. Il faut alors parler d’aide communautaire, d’aide de solidarité religieuse, qui sont tout à fait honorables, peut être très utiles et pas condamnables du moment qu’il y a une cohérence entre les discours et les actes ».

Il donne l’exemple de la guerre du Darfour qui «a été le théâtre de la plus grande intervention de secours depuis la fin de la deuxième guerre mondiale», expliquant que "certaines organisations étaient là par souci prosélytes et venaient montrer le caractère bénéfique de leur religion évangélique ou islamique, essentiellement. Elles avaient leur place dans le panorama général comprenant bien d’autres organisations des Nations Unies qui sont hors religion et des ONG aconfessionnelles comme Médecins Sans Frontières, Action Contre la Faim, etc.  Elles avançaient toutes à visage découvert », sans chercher à cacher croix, croissant ou n’importe quel autre signe d’appartenance", selon Brauman.

« Ce qui me gênerait dans ce genre de situation, c’est les organisations qui sélectionnent les bénéficiaires de l’aide qu’elles apportent » dit-il, ajoutant que «c’est moralement choquant dans une situation de crise comme celle du Darfour. Mais cela n’était pas le cas dans l’ensemble, les services et les biens étaient  distribués d’une manière équitable».

Brauman tient cependant  à souligner  que «si l’aide est dite humanitaire, elle s’adresse à des gens qui appartiennent à l’humanité en général et pas  à une sous-catégorie de l’humanité telle qu’une religion ou une préférence politique ou ethnique ». 

 
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