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Tunisie: La majorité des électeurs ont la vision trouble

Union-désunion, changement d’allégeance politique, "nomadisme" parlementaire et foisonnement des listes n’aident pas les électeurs tunisiens à y voir clair.

24.10.2014 - Mıse À Jour : 24.10.2014
Tunisie: La majorité des électeurs ont la vision trouble

AA/Tunis/ Saïda Charfeddine

Le phénomène du changement d’allégeance partisane appelé «nomadisme» est répandu, mais se manifeste souvent de manière isolée et donc admise au nom de la liberté de conscience. En Tunisie ce phénomène est devenu courant, parfois collectif et souvent répétitif, il est plus déstabilisant et donc moins facilement admis par des citoyens qui voient leurs élus rompre un «contrat moral». Ils en ressentent parfois  un sentiment de trahison, alimentant  un manque de confiance voire un cynisme politique.

Une des questions qui préoccupent les Tunisiens à la veille des législatives du dimanche prochain est dans quelle mesure le futur parlement pourrait garder la même carte politique du début jusqu’à la fin de son mandat et ne pas reproduire ce qui s’est passé durant ces trois années dans l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) ? Pendant combien de temps les nouvelles formations politiques et leurs futurs élus vont rester fidèles les uns aux autres ?

Des jeunes de la société civile regroupés en une ONG « al-Bawsala » (la boussole) se sont mis en devoir, de suivre et de consigner tout ce qui se passe à l'ANC. Le constat de multiples rapports de l’ONG et ses données chiffrées expliquent  la visibilité brouillée  et le désenchantement des Tunisiens  à l’égard des partis et des élus.    

Si le nombre de 217 sièges du parlement ne changera, la plupart des formations politiques ont préféré se défaire d’une bonne partie de leurs actuels représentants à l’ANC en faveur de nouvelles figures. Ainsi seuls 138 sur les 217 actuels députés sont candidats aux législatives tunisiennes du 26 octobre. Certains ont été investis par leur formation politique, d’autres y vont sous des bannières différentes, au grè de nouvelles coalitions, unions et autres appellations ayant fleuri  à l’occasion de cette deuxième épreuve des urnes pour la Tunisie postrévolutionnaire.  1337 listes électorales sont  officiellement arrêtées par l’Instance supérieure indépendante des Elections (ISIE).

Majoritaire à l’Assemblée sortante, le mouvement Ennahdha a reconduit aux législatives de ce dimanche, 38 de ses 85 actuels députés, «le Congrès pour la République » (parti de l’actuel président tunisien, Moncef Marzouki) a représenté 7 sur les 11 élus qui le représente encore à l’ANC, le «Courant de l’amour » et «Le Forum démocratique pour le travail et les libertés » (parti du président de l’ANC, Mustapha Ben Jaâfar) en représente chacun sept aussi, Nida Tounès a reconduit deux seulement de ses six actuels députés.

Bien évidement chacune des formations politiques ont plus ou moins puisé les unes chez les autres, mais elles sont surtout allées chercher de nouveaux profils «gagnants» dans leurs propres réservoirs ou parmi les compétences tunisiennes dans les domaines les plus divers.  

Les électeurs tunisiens auraient pu trouver matière à satisfaction dans ce renouvellement des effectifs par rapport à l’Assemblée sortante vivement critiquée voire conspuée et dont la légitimité a été mise à mal pendant  l’été 2013 au point de donner à la démocratie tunisienne naissante une grave crise politique.  

Sauf que ce renouvellement ne semble pas être fait pour  rassurer les électeurs, bien au contraire. Ceux-ci trouvent que sa motivation principale procède des calculs politiques qui nouent et dénouent les alliances entre partis ou individus, de leurs changements d’idéologie, de principes et de projets et même d’un opportunisme politique ou d’une avidité de privilèges.

Les électeurs tunisiens se disent «perdus», d’autant que cet engouement pour concourir à la députation en si grand nombre et sous des bannières aussi diverses a suivi justement trois ans de nomadisme parlementaire qui a donné le tournis aux électeurs. Car en 2014, ils ne reconnaissent plus l’Assemblée constituante qu’ils avaient élue en 2011. Si bien que le besoin d’une «traçabilité» des partis et des élus s’en est ressenti. 

Selon les rapports d’al-Bawsala, si on exclut le mouvement Ennahdha qui n’a perdu que trois de ses 88 députés élus de 2011, on peut avancer que toutes les autres formations se sont décomposées et recomposées à souhait. Ainsi par exemple, «le Congrès pour la République » arrivé deuxième en 2011 avec 29 élus n’en a gardé que 11, la « Pétition populaire » qui avait fait la surprise lors du dernier scrutin avec 22 élus finit son mandat avec 7 députés et sous l’appellation de «Courant de l’amour», « Le Forum démocratique pour le travail et les libertés» a perdu la moitié de ses 20 élus et Le PDP devenu « Al joumhouri », n’a gardé que 6 de ses 16 élus.

Tous ces mouvements n’ont pas seulement perdu des députés, ils en ont aussi gagné, mais peu. Telle qu’élue, l’Assemblée sortante comptait 20 formations politiques, elle en compte aujourd’hui dix de plus. L’exemple le plus significatif est «Nida Tounès». Inexistant au moment du scrutin d’octobre 2011, il a réussi dès sa création, à siéger à l’ANC avec six députés et est aujourd’hui considéré comme le principal rival du mouvement Ennahdha pour les prochaines législatives.

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