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La Tunisie, seule "rescapée" du printemps arabe, peut faire "l'exception"

La Tunisie, est en passe de réussir sa transition démocratique, mais doit pour cela, relever un certain nombre de défis.

18.10.2014 - Mıse À Jour : 18.10.2014
La Tunisie, seule "rescapée" du printemps arabe, peut faire "l'exception"

AA/Tunis/Esma Ben Said

La Tunisie, en campagne pour les législatives du 26 octobre, qui sera suivi par les présidentielles, est en passe de réussir sa transition démocratique, mais elle doit cependant surmonter des défis notamment internationaux et régionaux, ont estimé des politologues français rencontrés par Anadolu.

Près de 4 ans après le début du « Printemps arabe », la Tunisie, « seule rescapée de la révolution », s’engage dans un nouveau processus électoral, alors même que l’on assiste à des résurgences autoritaires et des guerres civiles dans une grande partie du Maghreb et du Moyen-Orient, a indiqué à Anadolu Vincent Geisser, sociologue et politologue.

« La Tunisie est une exception positive dans le monde arabe et la tenue des élections législatives et présidentielles (le 23 novembre, ndlr) est la preuve que le pays est parvenue à sauver sa transition », a-t-il noté.

Pour Nicolas Dot-Pouillard, Chercheur à l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) à Beyrouth,  « ce chemin vers la démocratie a déjà été pris depuis les élections de l’Assemblée constituante de 2011, il n’y a donc aucune raison apparente pour que ces nouvelles élections ne se déroulent pas de la même manière », a-t-il estimé.

La diaspora tunisienne, vit, elle aussi, au rythme des élections et croit fermement "à la consolidation du processus démocratique" d'après Limam Wajdi, activiste tunisien en France.

"En France, la campagne éléctorale tunisienne est réellement prise au sérieux. Il existe même un hyper activisme des candidats qui font campagne", note l'étudiant en sciences politiques.  

« L'Assemblée constituante a permis à la Tunisie de se doter d’une constitution et de se diriger vers des élections », relève l’activiste.

La Tunisie a certes pris la route de la démocratie mais elle doit cependant surmonter des défis d'ordre internationaux, régionaux et locaux pour assurer la pérennité des institutions démocratiques. 

Pour Michaël Béchir Ayari, analyste principal pour la Tunisie au sein de Crisis Group, tous les regards sont rivés sur la Tunisie.

« On sent une pression internationale, comme si la Tunisie devait à tout prix être un exemple pour le monde arabe et réussir son alternance politique », a-t-il déclaré.

Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Ban Ki-moon, en visite en Tunisie la semaine passée, avait d'ailleurs affirmé que « La Tunisie a suscité des espoirs à travers l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et dans le monde lorsque le printemps arabe est né ", selon un communiqué de l'ONU.

Ban Ki-moon avait aussi soutenu que les prochaines élections tunisiennes " feront de la Tunisie un modèle du genre dans la région arabe ".

Outre la pression internationale, La Tunisie se confronte également à une situation sécuritaire régionale instable.

Les conflits qui secouent le Maghreb et le Moyen-Orient ne cessent de mettre en difficulté les orientations démocratiques et pourrait entacher la réussite de la Tunisie, pays voisin de la Libye où règne l’anarchie institutionnelle.

Selon Ayari, "pour que la Tunisie puisse réussir pleinement sa transition démocratique, elle doit être capable de se détacher de la polarisation régionale".

" Etant donné la polarisation régionale, les conflits de plus en plus violents et âpres à l’échelle du monde arabe, il sera difficile pour la Tunisie de créer un émule dans cette région", a-t-il affirmé.

«On pourrait même craindre que les problèmes régionaux ressurgissent sur la campagne électorale tunisienne et provoquent une déterioration sécuritaire dans le pays », a-t-il ajouté.

« La Tunisie peut néanmoins faire l’exception. Pour cela elle doit dépolitiser la question du terrorisme et renationaliser les conflits idéologiques.  Elle ne doit prendre en considération que ses problèmes internes », a-t-il enfin averti.

Autre ombre au tableau, selon les experts : l’absence d’enthousiasme chez une partie des électeurs tunisiens qui vivent pourtant « leurs premières vraies élections décisives ».

« Des tunisiens n’éprouvent ni passion, ni enthousiasme en période électorale, comme s’ils étaient résignés voire même lassés », fait remarquer Geisser.

Pour le chercheur, ce désintérêt n’a pas pour origine une nostalgie de l’ordre ancien, comme certains observateurs se sont hasardés à le faire remarquer, mais plutôt « la désillusion économique ».

« Les régions désœuvrées sous Ben Ali (ancien président tunisien déchu) restent, aujourd’hui encore, les grandes oubliées de la démocratie et les classes populaires sont déçus de la révolution qui, concrètement, ne leur a rien apporté d’un point de vue socio-économique. Ni emploi, ni  sécurité sociale, ni bien-être économique », », a-t-il souligné.

 "De plus, les acteurs politiques n'ont pas encore intégré l’idée que c’est le peuple qui décide", a-t-il ajouté.

 « La nouvelle constitution votée démocratiquement par une assemblée élue au suffrage universelle a changé les institutions où le parlement est censé être au centre de la vie politique ».

« Il y’a un rétablissement des pouvoirs entre le Premier Ministre et le président. On dépasse le régime présidentiel connu jusque-là où tout le pouvoir était concentré à Carthage (palais présidentiel) », a-t-il rappelé.

«  Le problème aujourd’hui, c’est que les acteurs politiques continuent de croire que le pouvoir est toujours à Carthage et sont persuadés que la vraie élection est présidentielle, ce qui est faux. L’élection parlementaire est bien plus importante constitutionnellement parlant et les tunisiens rejettent cette course au pouvoir », a-t-il encore expliqué.

Pour Dot-Pouillard, les politiques tunisiens doivent également se défaire de l’idée de deux blocs : « les modernistes » qui s’opposent « aux islamistes », et donc penser en terme d'alliance.

« Le seul moyen de dégager une majorité parlementaire, c’est d’outrepasser les dernières années de polarisation », a-t-il observé.

Pour Limam, enfin, il faut "un souffle nouveau dans le jeu politique tunisien car le bilan de la Troika est mitigée et a déçu beaucoup de Tunisiens en France, notamment en terme de justice transitionnelle et d’égalité sociale".

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