Économie

Tunisie - Tensions politiques et Covid-19 aggravent la crise économique (Reportage)

- Le gouvernement s'attend à une rétraction de 6,5% au titre de l’année 2020 et les experts n'excluent pas, quant à eux, un recul de 10%

1 23  | 14.08.2020 - Mıse À Jour : 15.08.2020
Tunisie - Tensions politiques et Covid-19 aggravent la crise économique (Reportage)

Tunisia

Tunisie / AA / Ayda Ben Salem

L'économie tunisienne évolue, actuellement, au rythme d’une équation a deux inconnues, la première est inhérente à la politique et aux conflits et autres divergences qui secouent le paysage politique du pays, et l’autre, sanitaire, est relative à la pandémie de la Covid-19, en particulier aux retombées économiques et financières de la propagation de la pandémie planétaire.

Deux économistes tunisiens rencontrés par l'agence Anadolu considèrent que la crise politique, que traverse actuellement le pays, a contribué à approfondir les incidences de la crise sanitaire sur la situation économique, laquelle souffrait déjà d'une crise, devenue structurelle, et qui perdure depuis plusieurs années.

La Tunisie cherche à achever le processus de formation d'un nouveau gouvernement, après la démission du cabinet de Elyes Fakhfakh, en raison d'accusations de conflit d'intérêts portées contre le Chef de gouvernement démissionnaire.

Le président de la République Kais Saied a chargé le ministre de l'Intérieur du gouvernement de gestion des affaires courantes, Hichem Mechichi, personnalité indépendante, de former le gouvernement, dans une atmosphère des plus tendues qui règne au parlement tunisien, à la suite d'une tentative de retrait de confiance de son président, Rached Ghannouchi, et d'un conflit larvé entre les présidents de la République et du parlement.

Selon des estimations du gouvernement démissionnaire, l'économie enregistrera une rétraction de l’ordre de 6,5% en 2020, de même que le taux de chômage augmentera.

** Une « Covid politique »

L'expert économique, Ridha Chkendali a estimé que l'économie tunisienne croule sous le poids et le fardeau de la crise sanitaire, résultante de la propagation de la "Covid-19" dans le pays, ainsi que des tiraillements politiques locaux et interpatisans qu'il a qualifiés de « Covid politique ».

Chkendali a indiqué qu'il ressort des estimations et des prévisions annoncées par les institutions internationales, au sujet des effets de la crise sanitaire, causée par le virus de la Covid-19, que l'économie du pays a connu une rétraction de 6,5%, que les recettes fiscales ont diminué d'environ 5 milliards de dinars (1,83 milliard USD) et que le taux de chômage s’est accru de 5 points pour avoisiner les 20%.

Il a ajouté: « Ces estimations et prévisions risquent encore de s'aggraver au vu des incidences de la Covid politique ».

L’économiste a souligné que la Covid-19 a provoqué une baisse de la demande extérieure et une réduction notoire des activités économiques liées à l'étranger, s’agissant essentiellement des secteurs du tourisme, des transports et des exportations.

« Les tensions politiques accroissent le flou et l'incertitude des investisseurs locaux, ce qui conduira à une baisse du volume des investissements privés locaux ainsi que de celui des investissements directs étrangers (IDE) », a précisé l'expert.

Et Chkendali de poursuivre : « A la lumière de ces conditions, le taux de rétraction pourrait atteindre les 10%. Le nouveau gouvernement se doit, dès lors, d’être un gouvernement de compétences nationales, et peu importe qu'il soit politique ou apolitique, l’objectif étant de garantir le succès de la transition démocratique ».

De son côté, Mohamed Seddik Jebnoun, économiste et dirigeant du parti « Qalb Tounes », a relevé que la crise de la Covid-19 constitue «la pire crise économique qui a secoué la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) depuis 50 ans ».

« La crise sanitaire a affecté l'économie tunisienne, dès lors que le taux de rétraction prévu de 7% devrait augmenter, et le taux de chômage devrait dépasser les 20% », a fait remarquer Jebnoun.

L’économiste a relevé que 35 pour cent des entreprises procèderont au licenciement de leurs employés, et la suspension totale de leur activité est probable, de même que 61% des entreprises ne sont plus en mesure d’obtenir de financement bancaire.

** La solution est politique

Jebnoun estime que la solution à apporter à l’actuelle crise économique est éminemment politique, et ce contrairement aux précédentes crises.

« L’absence d'un gouvernement indépendant, qui n'est pas soutenu par une coalition partisane consensuelle, ne peut disposer de crédibilité auprès des bailleurs de fonds internationaux, et la Tunisie fera face au risque de réduire sa notation souveraine », a-t-il indiqué.

« La situation nécessite l’aménagement d’une plateforme politique stable en vue mettre en œuvre, le plus rapidement possible, des réformes structurelles », souligné l’économiste.

Alors que les incidences de la pandémie ont détruit des pans entiers de secteurs économiques, essentiellement le tourisme, principale source de devises fortes du pays, il n’en demeure pas moins que cette nouvelle configuration a ouvert la voie à d’autres secteurs d’activités pour se développer, à l’instar de l'agriculture, des industries agroalimentaires, de la technologie et des énergies renouvelables, tous des secteurs à haut potentiel d’employabilité.

« La crise politique cible et atteint de manière frontale la confiance, ce moteur majeur de l'investissement », a noté l’expert économique, concluant que « le volume des investissements étrangers a baissé de 95% ».

L'économie tunisienne a enregistré une contraction de 1,7% au premier trimestre de cette année, tandis que le taux de chômage a atteint 15,1%.

Selon des chiffres officiels, le gouvernement tunisien a essuyé des pertes d’une valeur de 5 milliards de dinars (1,83 milliard USD) à cause de la pandémie de la COVID-19, ce qui a contribué à aggraver la crise économique et sociale qui secoue le pays.

La plupart des secteurs économiques ont subi des perturbations et des entraves et les centres de production ont été suspendus au cours des trois derniers mois en raison de la pandémie, ainsi qu'à cause des manifestations organisées dans plusieurs régions du pays, en particulier dans les zones de production du pétrole et des phosphates.

Les recettes du pays générés par le tourisme ont baissé à hauteur de 1,16 milliard de dinars (424 millions USD) en juillet dernier, contre 2,79 milliards de dinars (1,02 milliard USD) durant la même période de l’année écoulée.

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