Politique

À Toulouse, Macron met en garde contre les dérives du numérique et appelle à restaurer la confiance démocratique

- Le président a dialogué avec les lecteurs de La Dépêche du Midi autour des effets des réseaux sociaux sur la démocratie, plaidant pour une régulation européenne et une meilleure éducation au numérique

Serap Doğansoy  | 12.11.2025 - Mıse À Jour : 12.11.2025
À Toulouse, Macron met en garde contre les dérives du numérique et appelle à restaurer la confiance démocratique

Istanbul

AA / Istanbul / Serap Dogansoy

Emmanuel Macron a ouvert mercredi à Toulouse un cycle de débats intitulé « La démocratie à l’épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes », en présence de 150 à 250 lecteurs de La Dépêche du Midi. Présentée par l’Élysée comme une initiative destinée à « apaiser » le débat public avant les échéances électorales de 2026 et 2027, cette rencontre a donné lieu à des échanges autour de trois thèmes : les réseaux sociaux et le complotisme, les ingérences étrangères et l’éducation au numérique.

Sans monopoliser la parole, le président a écouté les interventions d’experts et de témoins avant d’intervenir pour alerter sur les menaces que font peser la désinformation, la perte de repères civiques et la défiance envers la science. Il a rappelé que les réseaux sociaux, devenus centraux dans la formation de l’opinion publique, ont bouleversé la manière dont les citoyens s’informent et débattent.

- Une réflexion sur les effets des plateformes

Emmanuel Macron a dressé un parallèle entre le modèle économique de la presse, fondé sur la vérification et la rémunération du travail journalistique, et celui des plateformes numériques, centré sur la publicité et la captation de données. « Les réseaux ne gagnent pas d’argent en donnant de l’information, mais en vendant de la publicité individualisée », a-t-il souligné, estimant que cette logique alimente la viralité des émotions négatives au détriment du raisonnement.

Le chef de l’État a rappelé les mesures déjà engagées par la France et l’Union européenne, notamment du Tech for Good en 2018 à l’adoption du Digital Services Act et du Digital Markets Act, tout en admettant leur insuffisance face à la puissance des géants du numérique. Il a plaidé pour un consensus national et européen d’ici 2026 afin de « préserver la souveraineté démocratique face aux dérives du numérique ».

- Protéger la jeunesse et réguler les usages

Le président a insisté sur la nécessité de mieux protéger les enfants face aux écrans et aux contenus nocifs. Il a évoqué la possibilité d’interdire l’accès aux réseaux sociaux avant un certain âge, entre 14 et 16 ans, tout en rappelant que le souhait de fixer la majorité numérique à 15 ans. Cette orientation, soutenue par la France au niveau européen, s’accompagnerait d’un renforcement des dispositifs de vérification d’âge.

Macron a également appelé à intégrer l’éducation au discernement numérique dans les programmes scolaires, dès le collège, afin d’apprendre aux élèves à distinguer le vrai du faux, à comprendre le fonctionnement des algorithmes et à exercer leur esprit critique. « Il faut rééduquer tout le monde face à la désinformation », a-t-il insisté.

- Désinformation, complotisme et ingérences

Emmanuel Macron a alerté sur les effets concrets de la désinformation et du complotisme scientifique, qu’il juge menaçants pour la démocratie et la santé publique. Il a cité la baisse de la vaccination contre le papillomavirus comme exemple des ravages des fausses informations.

Le président a également mis en garde contre les manipulations orchestrées par des puissances étrangères, évoquant des campagnes d’influence menées par la Russie ou la Chine. Selon lui, « lorsqu’un million de personnes réagissent à une information, elle devient un fait, même si une partie de ces comptes est fausse ».

Le directeur de La Dépêche du Midi, Jean-Nicolas Bailly, a pour sa part dénoncé la dépendance économique des médias envers les plateformes et la montée de la désinformation générée par l’intelligence artificielle. Plusieurs intervenants ont plaidé pour un soutien accru à la presse et une transparence des algorithmes.

- Un appel à la responsabilité et à la régulation

Sur le plan législatif, Emmanuel Macron a promis de durcir la lutte contre les contenus haineux et diffamatoires en ligne, notamment par un renforcement du dispositif Pharos et l’imposition de retraits rapides. Il a aussi défendu la levée partielle de l’anonymat en ligne, estimant que la liberté d’expression « n’existe pas sans responsabilité ».

Le président a décrit ces mesures comme un moyen de combattre la « décivilisation » du débat public, marquée selon lui par la violence verbale et la rumeur. Il a rappelé que le numérique devait rester un espace d’échange au service de la vérité et non de la manipulation.

- L’école, la science et la lecture au cœur du projet républicain

Emmanuel Macron a profité de cette rencontre pour défendre la revalorisation des enseignants et annoncer la formation renforcée du corps éducatif aux enjeux numériques. Il a jugé prioritaire de reconstruire une école capable de transmettre à la fois des savoirs solides et un esprit critique éclairé.

Le président a conclu en appelant à replacer la lecture au centre de l’éducation et de l’émancipation intellectuelle : « Les modèles d’intelligence artificielle sont des machines à lire, mais rien ne remplacera l’acte de lecture pour apprendre et comprendre. »

Avant de remercier La Dépêche du Midi pour son accueil, Emmanuel Macron a souligné que ces échanges nourriront la réflexion du gouvernement en vue d’une stratégie nationale sur la régulation numérique et la protection de la démocratie, attendue au début de 2026.

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