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Yémen : Grundberg face à une mission délicate ou une énième escalade militaire et politique

Ekip  | 10.09.2021 - Mıse À Jour : 11.09.2021
Yémen : Grundberg face à une mission délicate ou une énième escalade militaire et politique

Canada

AA / Yémen

Le suédois Hans Grundberg a entamé sa mission, simultanément avec l’enclenchement d’une escalade militaire et politique entre les Houthis et le gouvernement, la plus dangereuse depuis des mois

Analyste politique : la situation n'est pas propice à la paix…Les Houthis aggravent la situation et la Coalition affaiblit l'autorité légitime…Une vaste campagne militaire est nécessaire

Observateur politique : le Yémen se dirige vers une plus grande escalade militaire et les Houthis exigent des concessions gouvernementales comme préalable avant toute prochaine négociation

Le diplomate suédois, Hans Grundberg, a entamé, officiellement, sa mission en qualité de quatrième émissaire des Nations unies pour le Yémen depuis 2011, concomitamment avec l’enclenchement d’une escalade militaire et politique notoire, qui représente, selon nombre d’observateurs un signe d’un grand embrasement du conflit entre les forces gouvernementales et les Houthis

Dans son premier communiqué diffusé à l'occasion de la prise de ses fonctions, Grundberg a reconnu les complications et les défis du dossier yéménite, soulignant qu'il ne ménagera aucun effort pour réaliser la paix, dans un pays en proie à un conflit fratricide depuis près de 7 ans.

Le nouvel émissaire onusien a fait part de « son aspiration à constater des interactions inclusives, empreintes de franchise et marquées par le sérieux en premier lieu, avec les homologues yéménites, régionaux et internationaux ».

Le conflit yéménite a des relents régionaux, dès lors que, depuis 2015, une Coalition arabe conduite par le voisin saoudien, lance des opérations militaires pour soutenir les forces gouvernementales dans leur combat contre les Houthis qui sont appuyés par l'Iran et qui contrôlent plusieurs provinces du pays, dont la capitale Sana’a (nord), depuis 2014.

Le 16 août dernier, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a désigné Grundberg au poste d'émissaire spécial pour le Yémen, succédant ainsi au diplomate britannique Martin Griffiths, au mauritanien Ismail Ould Cheikh Ahmed et au marocains Jamal Benomar.

Grundberg avait occupé depuis le mois de septembre 2019 jusqu’à la date de sa nouvelle nomination, le poste d'ambassadeur de l'Union européenne (UE) au Yémen et compte une expérience de plus de 20 ans dans les affaires internationales, dont 15 ans dans le domaine de la résolution des conflits, des négociations et de la médiation, selon les Nations unies.

Il a pris ses fonctions quelques heures après l'annonce par le ministère saoudien de la Défense de la destruction de trois missiles balistiques et de trois drones piégés lancés par les Houthis en direction du royaume, samedi soir.

Le porte-parole militaire du ministère saoudien de la Défense, Turki al-Maliki, a indiqué dans un communiqué que deux enfants ont été touchés et 14 maisons ont été endommagées, à la suite de l'interception et la destruction d'un missile balistique houthi dans la région de Dammam (est).

De son côté, Yahya Sari’a, un porte-parole militaire du groupe Houthi, a souligné, dans un communiqué, que le groupe « a ciblé des installations de la Compagnie saoudienne pétrolière Aramco, en la visant par dix drones et six missiles balistiques ».

Le groupe houthi a menacé l'Arabie Saoudite d'attaques plus vastes et plus grandes encore, considérant qu'il s'agit « d'opérations de légitime défense ».

Il s'agit de la plus grande tension militaire connue par le conflit au Yémen depuis des mois, concomitamment avec l'escalade des combats dans la province de Ma’rib (centre). Cette province a été le théâtre, au cours des derniers jours, d’importants affrontements qui ont fait plusieurs morts et blessés parmi les forces gouvernementales et les Houthis, selon le correspondant de AA.

Il ressort de cette escalade militaire la mission du nouveau représentant de l'ONU dans ce pays sera particulièrement compliquée, d'autant plus que chaque partie s'emploie à consolider ses positions sur le terrain, afin de glaner des gains politiques avant toute prochaine négociation.

- Escalade militaire

L’escalade militaire intervient simultanément avec une escalade politique et médiatique illustrée, notamment, par des déclarations de responsables au sein du gouvernement et du groupe houthi.

Il ressort des positions des deux parties l'existence d'un gap énorme entre les points de vue des deux parties, ce qui compliquera l'identification d'une plateforme à même de créer un consensus entre les deux protagonistes.

Le 30 août dernier, le Chef du gouvernement yéménite, Mou’in Abdelmalek, a accusé le groupe houthi d'avoir « fait avorter toutes les options de paix, faisant peu de cas des initiatives onusiennes et internationale lancées pour identifier une solution politique », selon l'agence de presse yéménite (SABA, Officiel).

Cette déclaration a été faite au lendemain de la mort de 30 soldats des forces gouvernementales dans une attaque par missiles balistiques qui a ciblé la base militaire d'al-And dans la province de Lahj (Sud). Le gouvernement avait accusé les Houthis d'être à l'origine de cette attaque, tandis que le groupe s’est emmuré dans le silence.

Des responsables houthis avaient déclaré, récemment, que la « crise du Yémen est tributaire de la suspension des raids aériens et de la fin du blocus imposé au pays ».

Le 2 septembre dernier, le chef du groupe, Abdelmalek Badreddine al-Houthi, avait déclaré que son groupe a tranché son option en décidant de prendre le contrôle de l'ensemble du territoire yéménite, et ce dans un discours télévisé diffusé sur la chaîne satellitaire « al-Massira ».

Des observateurs estiment que les positions des Houthis indiquent que la crise humaine risque de s’aggraver davantage et de connaitre d’autres complications au plan militaire, qui généreront des retombées sur des millions de citoyens, qui sont désormais sur le seuil de famine.

La guerre dans ce pays d'Arabie a fait plus de 233 mille morts et 80% de la population du Yémen, au nombre de 30 millions d'habitants, compte pour survivre sur les aides internationales dans la pire crise humanitaire au monde actuellement, selon l'ONU.

- Situation inappropriée
Abdessalem Kaed, analyste politique, a déclaré que la « situation au Yémen n’est pas encore prête pour mettre fin à la guerre et faire prévaloir la paix ».

Il a ajouté, dans un entretien accordé à l'agence, que « la mission du nouvel émissaire onusien débute au milieu d'une escalade militaire lancée par le groupe houthi qui contrôle les zones à grande densité urbaine, et il est exclu pour le groupe de dilapider les acquis militaires engrangés sur le terrain, en raison particulièrement de l'attitude de plusieurs parties ».

« Face à cela, la Coalition affaiblit délibérément le pouvoir légal, à travers la mise sur pied de milices qui lui sont hostiles dans les zones qui sont supposées être libérés de l'emprise des Houthis », a-t-il ajouté.

Il a indiqué que « la réalisation de la paix implique, en premier lieu, le retour du gouvernement légitime au pays, la réactivation des institutions de l'Etat, la confiscation des armes des milices insoumises au gouvernement pour les remettre à l'Etat ».

De plus, a-t-il poursuivi, le « lancement d'une vaste campagne militaire qui toucherait les différentes régions et qui aboutirait à la libération des principales provinces contrôlées par le groupe Houthi est nécessaire afin de le contraindre à se soumettre à la paix ».

Depuis plusieurs mois, le gouvernement yéménite exerce ses fonctions depuis la capitale saoudienne Ryad et plusieurs autres provinces yéménites, telles que Hadramaout (sud-est), Shebwa (est) après la tension qui a empreint les relations du gouvernement avec le Conseil transitoire du Sud, établi dans la capitale provisoire, Aden (Sud).

- Une plus grande escalade

De son côté, Yaakoub Atwani, un observateur politique, a estimé probable que « le Yémen fera face très prochainement à une plus grande escalade militaire », précisant que « l'option de la paix semble exclue au cours de la prochaine phase ».

Atwani a ajouté à AA que « les derniers jours ont connu une escalade notoire de la part des Houthis qui veulent se montrer au monde comme étant plus forts et que leurs missiles atteignent des cibles encore plus lointaines en Arabie saoudite ».

Il a dans une déclaration faite à AA que « cette escalade est concomitante avec le début de la mission du nouvel émissaire onusien et les Houthis veulent adresser des messages en vertu desquels ils sont capables de poursuivre la guerre jusqu’à ce que la partie gouvernementale offre de plus grandes concessions, qui résulteraient de plus grands acquis pour les Houthis avant toute prochaine négociation ».

« Il n'existe aucun indicateur effectif attestant que le chemin de la paix est désormais plausible. La réalité indique que nous nous dirigeons vers davantage une plus grande escalade militaire ».

Abondant dans le même sens, Adel D’chila, chercheur politique, a souligné sur Twitter que le « Mouvement a souhaité la bienvenue à Grundberg par une salve de missiles et de drones lancés en direction de l'Arabie saoudite et des territoires yéménites libérés. Il semble que le processus de la résolution est improbable actuellement et que les options de l'actuel émissaire sont minces ».

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