AA/ Tunis

L'ancien président tunisien, Moncef Marzouki, a déclaré que la révolution de son pays a atteint la moitié de ses objectifs, soulignant que la Turquie et le Qatar ont aidé la Tunisie à lutter contre le terrorisme.

Marzouki a tenu ces propos dans un entretien publié lundi par le journal algérien "Al-Khabar" (privé).

"La révolution tunisienne a réalisé 50% de ses revendications, la liberté est acquise, la Tunisie est un pays libre, les médias sont libres au plus haut degré, le peuple tunisien est libre, il dispose d’une nouvelle constitution et d’institutions très importantes établissant la démocratie", a-t-il déclaré.

"Les 50% des objectifs restants, liés au pain et à l’emploi n'ont pas été atteints pour de nombreuses raisons", a-t-il déclaré.

« La lutte se poursuit, quand la parenthèse de la contre-révolution, qui fait partie du cours naturel des révolutions, sera fermée lors des élections de 2019, le combat pour la justice sociale, le pain et le travail reprendra », a considéré Marzouki.

** La révolution est victime de plusieurs obstacles

"Les médias corrompus ne sont pas l’unique raison du succès de la contre-révolution. Il y en a deux autres, à savoir le cours économique entravé, et la consommation à l’arrêt".

L’ex-président relève cependant d’autres entraves.

« La durée de la période de transition, qui s’est prolongée à trois ans à cause notamment de la constitution, alors que nous aurions dû achever la transition en un an. Car plus la période de transition est longue, plus important sera le nombre de problèmes ».

** "Des parties dont les EAU, ont visé la révolution"

Marzouki a estimé que « la Tunisie a été visée par plusieurs parties, car elle a été le berceau des révolutions arabes que craignaient tous les régimes ». Ces derniers nous ont donc pris pour cible, a-t-il relevé.

"Je n'aurais jamais imaginé qu'un pays comme les Emirats serait animé envers nous d’une telle hostilité. Ils ont lancé le terrorisme contre la Tunisie. Un terrorisme dument financé. Ils ont lancé contre nous les médias corrompus pour faire échouer l'expérience du printemps arabe."

Pour lui, "il est clair qu'il existait une volonté régionale de contrecarrer le Printemps arabe, qui a été mis en échec par la guerre civile en Libye, en Syrie et au Yémen, et par un coup d'État en Égypte. Ils ont tenté de le faire échouer en Tunisie avec le terrorisme, les médias et l’argent corrompus ".

"Ils n’ont pas été en mesure de faire échouer complètement l'expérience tunisienne. Je suis convaincu que nous réussirons en Tunisie, car le peuple tunisien est pleinement conscient de ses réalisations."

** Notre relation avec l'Algérie est la relation la plus étroite entre deux pays

Au sujet des relations tuniso-algériennes, Marzouki a considéré qu’il s’agit de "la relation la plus étroite entretenue entre deux pays".

« Franchement, les frères algériens ne nous ont pas lésés comme d’autres pays frères. Mais j’espérais de leur part un soutien plus important. J’espérais l’activation de l’Union du Maghreb Arabe. Parce que l’ouverture de cet espace nous aurait permis de résoudre bon nombre de nos problèmes économiques en Tunisie. De toute façon, l'Algérie demeure pour nous un pays important et un soutien".

** La participation à la présidentielle de 2019 n'est pas encore tranchée

"La question de la candidature n'a pas encore été tranchée, a-t-il déclaré. Mon principal problème, ce n'est pas d’être en lice, mais de faire en sorte qu'il y ait des élections et de garantir leur intégrité."

Marzouki a souligné que l'ancien système (le régime de l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali) s'emploie à discréditer la politique et à convaincre les Tunisiens que tous les partis se valent, incitant ainsi les électeurs à l’abstention. Puis la machine électorale entrera en marche pour acheter les voix des pauvres avec de l'argent.

Il a souligné : "la salle d'opération qui dirige les politiques de la contre-révolution fonctionne sur cette base, mais j'ai la conviction que le peuple a compris ce jeu, et a délaisser les forces qui lui ont menti en 2014."

** Les Turcs et les Qataris nous ont aidés contre le terrorisme

Marzouki a déploré que son pays n'ait pas été aidé par les Européens.

"J'ai dit aux dirigeants européens que nous rencontrions des problèmes pour financer des projets qui permettraient de créer des emplois pour les chômeurs et faire face à la dette extérieure qui nous étouffait", a-t-il déclaré.

"Quand j'étais président, j'avais dit aux Européens que nous ne demandions pas une annulation de la dette, mais sa réduction, en échange de l'utilisation de cette différence dans l'achat d'intrants industriels pour assurer des emplois aux jeunes", a-t-il déclaré.

"Même militairement, l'UE ne nous a pas aidés à faire face au terrorisme, auquel l'armée tunisienne était confrontée avec peu d'armes et des équipements quasi-inexistants", a-t-il déclaré.

"Une fois président, j'ai trouvé l'armée dans une situation désastreuse, car Ben Ali avait peur de l'armée et n’œuvrait pas à l’équiper. Les personnes qui nous ont aidés dans le domaine de l’armement et du matériel sécuritaires sont les Turcs et les Qataris.

** La position à l’égard du régime syrien

Concernant la rupture des liens entre la Tunisie et le régime syrien (en 2012), Marzouki s'est déclaré opposé à la militarisation de la révolution syrienne.

"En 2013, c'était le sommet de la barbarie. Le régime syrien attaquaient la population avec des barils et des bombes, et vous vouliez qu’en tant que militant des droits de l’homme, je me taise" ?