Politique

Irak: Al-Kazimi, une option prête pour présider le gouvernement en cas d'échec du «principal bloc parlementaire»

- La nomination d’Al-Kazimi à la Présidence du gouvernement est tributaire de l’aval des centres de décision à Téhéran et de la non-opposition de Washington

1 23  | 10.10.2021 - Mıse À Jour : 11.10.2021
Irak: Al-Kazimi, une option prête pour présider le gouvernement en cas d'échec du «principal bloc parlementaire»

Iraq

AA / Raed Al-Hamed


Parmi les problématiques les plus complexes durant la phase qui succédera à la tenue des élections de ce dimanche en Irak, figurent la rude compétition et les différends entre les blocs parlementaires chiites du nouveau Parlement pour nommer un candidat devant occuper le poste de Chef du gouvernement – la plus haute instance exécutive - qui sera investi des principales prérogatives dans la prise de décision.
Les dissensions sociétales entre les principales composantes en Irak, après l'invasion du pays en 2003, ont poussé vers la mise en place d'un régime démocratique « formel », fondé sur un « consensus implicite et non-déclaré », entre les directions des principaux partis, pour répartir les trois présidences, celles de la République, du Gouvernement et du Parlement.
Sans pour autant procéder à un recensement de la population irakienne pour confirmer le pourcentage de chaque composante sur la totalité des habitants, les Etats-Unis avaient convenu, immédiatement après l'invasion, en accord avec les chefs des principaux partis, toutes composantes confondues, de répartir les trois présidences, en considérant les chiites arabes comme étant la majorité et que par conséquent, le pouvoir exécutif leur sera accordé, en l'occurrence la plus importante présidence, celle du gouvernement.
Quant à la présidence de la République, il s'agit d'un poste protocolaire aux prérogatives limitées, qui a échu aux Kurdes, tandis que les Arabes sunnites ont hérité de la présidence du pouvoir législatif (le Parlement).


- « Le bloc le plus nombreux »
Entre les années 2006 et 2018, quatre élections législatives ont été organisées en Irak et le cinquième scrutin devrait se tenir au mois de mai 2022.
Toutefois, le mouvement de protestation déclenché, en octobre 2019, pour contester les mauvaises prestations dans le domaine de l'électricité et de la santé ainsi que l'augmentation du taux le chômage et la prolifération de la corruption, ont abouti à la tenue des élections anticipées du 10 octobre.
Les manifestants avaient contraint l'ancien Premier ministre, Adel Abdelmahdi, à démissionner, en date du 30 novembre dernier, après l'échec des forces de sécurité à protéger les manifestants et l'assassinat de plusieurs dizaines parmi eux, sans pour autant inculper les responsables ou les instigateurs des forfaits commis.
Les élections actuelles ont été accompagnées d'un large débat entre les blocs chiites, dont chacun véhicule l'idée, à des fins électorales et pour s’attirer le soutien de l'opinion publique, qu'il formera le prochain gouvernement.
Les listes électorales seront appelées, après la proclamation des résultats des élections, à former des alliances composées des listes électorales différentes, jusqu'à constituer « le bloc parlementaire le plus nombreux », qui sera habilité à nommer son candidat à la Présidence du gouvernement.
Selon l'interprétation faite par la Haute Cour fédérale, « le bloc parlementaire le plus nombreux » signifie, « selon le texte de la Constitution, le bloc parlementaire formé après les élections et qui serait composé de deux ou de plusieurs listes, et dont le nombre de sièges après la prestation du serment constitutionnel, représente le bloc parlementaire le plus élevé par rapport aux autres blocs ».
Afin d'obtenir la confiance de la Chambre des députés, le candidat à la présidence du gouvernement a besoin de recueillir le vote de la majorité absolue pour l’ensemble des ministres proposés, et ce à titre individuel, soit la moitié du nombre des membres de la Chambre des députés plus 1 (165+1).
Plusieurs blocs politiques ont exprimé leur souhait de nommer leur candidat à la Présidence du gouvernement après la proclamation des résultats des élections.
Parmi ces blocs figurent la « Coalition de l'Etat de droit », présidée par Nouri al-Maliki, ancien Premier ministre durant deux mandats (2006 – 2014) et la « Coalition al-Fath » dirigée par Hédi el-Amiry, Secrétaire général de l’organisation Badr (branche militaire et proche allié de Téhéran).
Ajoutons à cela un candidat appartenant au Courant sadriste, mais dont le nom n'a pas été décliné. Rappelons que le chef du Courant sadriste, Moqtada al-Sad, s'était rétracté, le 27 août dernier, de sa décision prise à la mi-juillet de boycotter les élections.


- Le Courant sadriste et les défis de la victoire
Le Courant sadriste propage les informations en vertu desquelles il obtiendra le plus grand nombre de sièges, ce qui l’habilite à désigner son candidat à la Présidence du prochain gouvernement.
En revanche, ce Courant s’est rétracté, au cours des derniers jours, en adoptant une autre approche consistant à soutenir un candidat indépendant après avoir saisi la difficulté d’obtenir les voix de la majorité absolue des députés, en cas de réussite à former « le bloc parlementaire le plus nombreux » et de désigner son candidat à la Présidence du gouvernement, ce qui est une option probable.
Malgré les attentes qui prévoient que le Courant sadriste obtiendra le plus grand nombre de sièges, par rapport aux autres listes chiites, il n'en demeure pas moins qu'il est difficile pour cette coalition de former une alliance à même de lui permettre d'atteindre les 166 sièges nécessaires pour obtenir la confiance pour le nouveau gouvernement.
Parmi les facteurs figure le constat d'échec et d’incompétence des ministres de ce Courant dans la gestion des affaires de leurs départements, en particulier, la Banque centrale et les ministères de la Santé, des Ressources hydrauliques et de l'Electricité.
En plus de cela, nombre d'observateurs rappellent les accusations adressées aux « Unités de la paix » relevant du Courant sadriste, d'avoir assassiné les protestataires à al-Nassiriya, dans le sud de l'Irak au mois de février 2020, et les accusations similaires d’infiltration et de provoquer des violences dans des places de sit-in dans la capitale Bagdad et dans les provinces du centre et du sud du pays.
Les chefs du Courant sadriste pensent que le gouvernement post-élections en Irak doit être dirigé par un Premier ministre indépendant.
Il est attendu, donc, que le Courant sadriste continuera à soutenir la nomination d'un candidat indépendant proche de lui ou parmi ses soutiens afin de priver les blocs parlementaires en lice de l'opportunité de former le gouvernement.
Ni la constitution ni la loi électorale ne mentionnent que le Chef du gouvernement doit être un député ou le président d'un parti, d'un mouvement ou d'un courant politique.
Pour des raisons relatives à des divergences réelles entre les quatre principales listes électorales chiites (le Courant sadriste, la Coalition de l'Etat de droit, la Coalition al-Fath et la Coalition des forces de l’Etat national), le paysage politique irakien aboutira à la formation du principal bloc parlementaire de plus d’une coalition et ce bloc nommera son candidat à la Présidence du gouvernement dans une première étape.
Cependant, il sera quasiment impossible ultérieurement d'obtenir le quorum légal, soit la majorité absolue parmi les membres de la nouvelle Assemblée parlementaire (165+1) pour accorder la confiance au gouvernement du nouveau Premier ministre.


- L'échec du « principal bloc », une opportunité pour Al-Kazimi
La nomination d’Al-Kazimi comme candidat indépendant à la Présidence du gouvernement est tributaire de l'échec du « bloc parlementaire le plus nombreux », qui sera annoncé lors de la première réunion de la Chambre des députés. L'échec de ce candidat à obtenir la majorité absolue des parlementaires contribuera à renforcer les chances d'Al-Kazimi.
L'échec prévu aboutira au recours à l'option d'un candidat consensuel, en dehors des blocs politiques, avec l'éventualité probante de renommer Al-Kazimi.
Au début de l'arrivée d'Al-Kazimi à la Présidence du gouvernement, il était présenté comme étant le reflet ou le défenseur des mouvements de protestation, qui ont contraint son prédécesseur à démissionner, après son échec à protéger les manifestants et faire juger les responsables des crimes commis.
Toutefois, Al-Kazimi a échoué, à son tour, après son accès au pouvoir, à représenter les protestataires et à protéger les militants qui ont vu les opérations les ciblant se multiplier, parallèlement à son incapacité flagrante à interpeller, à appréhender et à demander des comptes aux parties instigatrices des assassinats.
Il convient de noter, cependant, qu'Al-Kazimi est probablement le seul Premier ministre, dont le mandat (certes court – 2020-2021) n'a pas connu de véritables affrontements ou de différends profonds avec les blocs parlementaires.
Al-Kazimi a réussi à créer une sorte d'équilibre entre ses relations étroites avec l'Iran et les chefs des factions influentes de la « Mobilisation populaire » d'une part, et ses relations avec les Etats-Unis, avec qui il a négocié le retrait de leurs forces d'Irak pour satisfaire la volonté des groupes chiites armés, alliés de l'Iran.


- L’accord iranien et la non-opposition américaine
Aussi bien Al-Kazimi que les autres hommes politiques irakiens sont conscients qu'une nomination à la tête du gouvernement est tributaire de l’accord des centres de décision à Téhéran et de la non-opposition de Washington.
Le candidat à la Présidence du gouvernement a besoin d'un accord de principe de Téhéran bien que les autorités iraniennes soulignent, souvent, qu'ils ne s’ingèrent pas dans les affaires politiques de l'Irak.
Al-Kazimi fera face à un principal défi, celui de convaincre les blocs et les autres partis politiques, qui ont contribué à valider sa nomination à la Présidence du gouvernement, en mai 2020, pour rééditer cette « performance » durant les quatre prochaines années.
Les différents blocs et partis sont désormais convaincus qu'Al-Kazimi sera en réalité un candidat du Mouvement sadriste, sans pour autant que cela soit officiel.
De plus, l'éventualité de voir Al-Kazimi rempiler se précise, bénéficiant d'un soutien régional et international, et ce après que le Premier ministre sortant a prouvé sa capacité à créer un certain équilibre dans ses relations personnelles et dans les relations de l'Irak avec l'Iran et avec les Etats-Unis d'Amérique, deux acteurs influents et décisifs dans la désignation des candidats à la chefferie du gouvernement, comme cela s'est passé au cours des quatre précédents scrutins.

*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou

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