Politique

France : La fermeture des mosquées, un argument de campagne pour le gouvernement (Opinion)*

Ekip  | 19.12.2021 - Mıse À Jour : 20.12.2021
France : La fermeture des mosquées, un argument de campagne pour le gouvernement (Opinion)*

France

AA/Paris/Fatih KARAKAYA

Le Président français Emmanuel Macron, a défendu les effets de sa loi contre le séparatisme, dont la fermeture de mosquées et la dissolution d’associations, au cours d’une interview télévisée diffusée mercredi dernier à la télévision.

Sans surprise il a repris l’argument de certains de ses ministres, notamment Gérald Darmanin, qui font, selon leurs discours, « une différence entre les musulmans et les islamistes » contrairement à Eric Zemmour qui estime que « l’islam et l’islamisme sont la même chose ».

« Il y a des millions de Français qui sont des citoyens tranquilles, qui respectent les lois de la République et qui croient en l'islam et il faut les respecter. C'est ça la laïcité » a-t-il plaidé face aux journalistes lors de l'interview.

Mais pourtant, il a ensuite expliqué l’engagement des services de l’Etat en matière de lutte contre le terrorisme en se félicitant « des dispositions permises par la loi contre le séparatisme et qui ont conduit à "fermer des mosquées" et à faire "contrôler des établissements" musulmans ».

Ainsi, sans détour, le président de la République a fait un lien entre le terrorisme et certaines mosquées. Pourtant, à ce jour, aucun rapport des renseignements généraux n’a démontré que les mosquées étaient directement impliquées dans l’organisation d’attentats terroristes en France.

Le fait que certains terroristes qui ont rejoint la Syrie ont fréquenté quelques temps des mosquées ne peut rendre ces établissements responsables de ces actes. C’est comme si le gouvernement décidait de dissoudre l’Assemblée Nationale car certains politiciens ont commis des délits.

Seule la personne est responsable de ses actes et la punition collective n’est pas digne de démocratie.


- Des notions vagues pour justifier la fermeture des mosquées

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est l’homme qui assure la communication du gouvernement à chaque fermeture de mosquée. Ainsi à chaque fermeture, le même discours vient argumenter la décision : « prêches haineux », « incitation à la haine contre les juifs, les homosexuels et les chrétiens », « discours radicaux » et surtout « apologie du djihad ».

Lors de ses annonces, le ministre a toujours prononcé exactement ces mots pour justifier la fermeture des mosquées.

Lors de son intervention dimanche 13 décembre, sur la chaîne LCI, le ministre a parlé de la fermeture de « 21 mosquées sur 99 qui sont sous étroite surveillance ».

Quelques jours plus tard, il a, une fois de plus, annoncé la fermeture d’une nouvelle mosquée, celle de Beauvais (au nord de Paris) se basant exactement sur les mêmes arguments.

Suite à cette annonce, « pouvez-vous expliquer le concept de "prêche islamiste", ça a l'air assez technique ? » ironisait Maître Rafik Chekkat, avocat à Marseille, essayiste et parallèlement engagé au sein de l’association Action Contre l’Islamophobie (ACI).

Il faut dire que ce qui pose problème, c’est surtout le manque de transparence dans les décisions. Comme le rappellent plusieurs internautes sur Twitter « aucun média français n’a pu citer les propos incriminés de l’imam de Beauvais ». Pourtant, ses prêches sont diffusés en direct sur YouTube et peuvent être consultés à tout moment. Seul les propos reportés par le ministre ont, toutefois, été repris.


- Punition collective

Comme le rappelle le journal « Oise Hebdo », « le sentiment de punir la communauté pour les actes d’une personne, persiste ». Mais ce qui interpelle encore plus, c’est la définition même de la haine et de l’apologie du djihad.

La question qui revient souvent, c’est celle de « placer les lois de Dieu avant celles de République ». Cette affirmation serait la preuve « que les musulmans ne s’intègrent pas ». Pour appuyer cette thèse, un sondage avait fait la une des tous les médias : « Selon l'Ifop, 65 % des lycéens musulmans placent l'islam au-dessus des lois de la République ». Pour rappel, ce sondage a été commandé par la Ligue contre l’antisémitisme et le racisme (LICRA) qui s’occupe désormais des « actes antimusulmans » puisque le CCIF et le CRI ont été dissous et que la LICRA refuse le terme d’islamophobie.

« Ca stigmatise les enfants musulmans avec des sondages orientés. On les accuse de mettre leur religion au-dessus de la République. Pendant ce temps, Darmanin offre la Légion d'honneur à un évêque qui refuse de dénoncer des pédophiles au nom du secret de la confession », protestait, sur Twitter, Najette, une militante des droits de l’Homme et victime de Doxing.

« Le secret de la confession s’impose à nous et en cela, il est plus fort que les lois de la République », avait, en effet, déclaré Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des Evêques de France et qui avait ensuite reçu la Légion d’honneur.


- La vraie incitation à la haine

Depuis que le gouvernement a décidé de faire de la « fermeture des mosquées » un argument de poids pour les prochaines élections, les messages de haine contre les musulmans pleuvent sur Internet.

Des milliers de messages critiquent, Gérald Darmanin « pour ne pas en faire assez », « pour ne fermer que temporairement les mosquées », « pour ne pas éradiquer les musulmans », « pour ne pas les avoir exclus du pays ». Ces messages de haine envers les musulmans sont considérés comme « une liberté de critiquer une religion » alors que des commentaires critiquant l’Etat valent la dissolution d’associations comme cela fut le cas pour le CCIF, Barakacity et le CRI.

En revanche, le gouvernement ne cite pas les noms de toutes les mosquées. Sur les 22 annoncées, seul les noms de quelques-unes comme celle de Pantin, d’Allones ou de Beauvais ont été rendu public. Pourquoi les autres n’ont pas été médiatisés ?

De même, Darmanin avait tenté de fermer la mosquée de l’Elsau à Strasbourg mais les policiers n’avaient pas « trouvé de preuves en lien avec la cause de la perquisition ». Selon, Jamal Rouchdi, président du parti Égalité Républicaine et Sociale (ERS) et membre de cette mosquée, « ces attaques sont dues aux engagements politiques de certains de ses membres ».

En tout cas, l’année 2022 s’annonce une très mauvaise année pour les musulmans puisque la plupart des candidats favoris à la présidentielle défendent une ligne dure de la laïcité en excluant « toute visibilité des musulmans de la sphère publique ».


* Les opinions exprimées dans cette analyse n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.



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