Mathilde Panot accuse Macron de faire de la France « le laquais » de Netanyahu et de Trump

– La députée LFI dénonce un alignement total sur les logiques de guerre menées par Israël et les États-Unis.

AA / Paris / Ümit Dönmez


La France sous la présidence d'Emmanuel Macron « est devenue le laquais » du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et du président des États-Unis Donald Trump : c’est par cette accusation frontale que Mathilde Panot a conclu son discours, mercredi soir à l’Assemblée nationale, lors du débat organisé sous l’article 50-1 sur la situation au Proche-Orient.

La présidente du groupe La France insoumise a pris la parole après le Premier ministre François Bayrou, dans un climat de tensions diplomatiques croissantes, pour dénoncer ce qu’elle considère comme un reniement complet de la tradition diplomatique française.

Par voie d’un débat sans vote, rendu possible par l’article 50-1 de la Constitution, le gouvernement a présenté sa position sur la guerre entre Israël et l’Iran. La discussion avait été réclamée par le groupe LFI, qui reproche à l’exécutif d’avoir tardé à réagir aux frappes israéliennes du 12 juin.



- Guerre préventive, guerre sans fin

Mathilde Panot a structuré son discours autour d’une dénonciation de la notion de « guerre préventive », qu’elle qualifie d’illégale et de dangereuse. « En droit international, la guerre préventive n’existe pas », a-t-elle affirmé, accusant le gouvernement français d’avoir cautionné sans mot dire les frappes israéliennes contre des sites iraniens, tout en feignant d’ignorer qu’Israël avait « attaqué le premier ». Elle a dénoncé une « capitulation sans condition devant l’internationale réactionnaire » et une rupture avec la doctrine française du droit international.

Elle a rappelé que la France n’avait pas condamné les frappes américaines sur des installations nucléaires iraniennes, malgré le risque de contamination radioactive. « Vous êtes restés muets », a-t-elle lancé, accusant l’exécutif d’inaction et d'« un deux poids deux mesures révoltant ».



- OTAN, Washington : une allégeance assumée

Mathilde Panot a poursuivi en attaquant l’alignement du gouvernement sur les positions de l’OTAN et des États-Unis. Elle a dénoncé la décision récente d’augmenter le budget militaire à 5 % du PIB, adoptée sous l’égide de l’alliance atlantique, en pleine escalade régionale. Citant le secrétaire général de l’OTAN qui s’est félicité de voir le président des États-Unis Donald Trump « faire payer un prix énorme à l’Europe », elle a jugé cette relation non seulement soumise mais « profondément anti-européenne ».

Elle a accusé le Président français Emmanuel Macron d’avoir fait de la France un pays « au service d’une doctrine guerrière américaine » et d’avoir brisé son autonomie stratégique, en contradiction avec la doctrine établie par l'ancien Président français Charles de Gaulle.




- Gaza, Evin, impunité

L’élue insoumise a consacré une large partie de son discours à la situation humanitaire à Gaza, qu’elle qualifie de « génocide ». Elle a égrené un bilan qu’elle juge insoutenable : « plus de 55 000 Palestiniens tués, plus de 130 000 blessés », des civils visés alors qu’ils tentent d’accéder à de la nourriture. Elle a fustigé le « silence » du Gouvernement français face à la reprise annoncée des opérations militaires israéliennes dans l’enclave palestinienne.

Panot a aussi dénoncé l’inaction face aux frappes israéliennes sur la prison d’Evin en Iran, où sont détenus deux Français, et l’arrestation de six compatriotes, dont l’élue franco-palestinienne Rima Hassan, dans le cadre de l'interception de la Flottille de la Liberté pour Gaza. Panot a également dénoncé l’absence de sanctions contre Israël, alors que la France en a imposé dix-sept contre la Russie depuis 2022.



- Une voix dissidente dans l’hémicycle

« Nous sommes fières d’incarner une autre voix de la France », a lancé Panot, appelant à une reconnaissance immédiate de l’État de Palestine, à la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, et à un embargo sur les armes. Elle a invoqué l’opposition française à la guerre en Irak en 2003 pour appeler à une rupture avec l’actuelle stratégie diplomatique.



- Discours de Bayrou

Plus tôt dans la soirée, François Bayrou avait défendu une ligne d’« équilibre fondé sur le droit », tout en durcissant nettement le ton à l’égard de l’Iran. Le Premier ministre a déclaré que « le développement du programme nucléaire iranien est une menace pour l’État d’Israël et pour nous aussi, Européens ». Il a décrit une progression inquiétante du programme nucléaire iranien et mis en garde contre un monde où « la force l’emporte sur le droit », depuis l’invasion de l’Ukraine.

Soutenant le cessez-le-feu avec l’Iran, Bayrou a toutefois réaffirmé la « solidarité de la France avec Israël » tout en qualifiant la situation humanitaire à Gaza d’« inacceptable ».




- Proche-Orient


Le débat de ce soir intervient dans le sillage d’un conflit direct de douze jours entre Israël et l’Iran, débutant le 13 juin par une « attaque surprise » israélienne contre des installations nucléaires et militaires iraniennes, faisant plusieurs commandants du Corps des Gardiens de la révolution islamique (IRGC) et scientifiques clés parmi les victimes, ainsi que plus de 200 civils selon les autorités iraniennes.

Israël a frappé en premier, estimant que Téhéran franchissait des « lignes rouges » avec son programme nucléaire. En représailles, l’Iran a lancé des missiles et des drones contre Israël, provoquant une vingtaine de morts et une centaine de blessés chez l’adversaire avant que les États-Unis n’interviennent le 21 juin en frappant à leur tour trois sites nucléaires iraniens.

Le cessez-le-feu, négocié avec l’aide de Washington, a été effectif le 24 juin, après qu’Israël eut mis fin à ses frappes 12 heures après l’Iran.



- Situation humanitaire à Gaza


Pour rappel, depuis la reprise des hostilités par Tel Aviv le 18 mars 2025, après un cessez-le-feu, les attaques israéliennes ont tué plus de 5 600 Palestiniens, portant le bilan total à Gaza à plus de 56 000 morts, depuis le début du conflit en octobre 2023, suite à une attaque du Hamas. La majorité des victimes palestiniennes sont des civils, notamment des enfants et des femmes. Malgré l'annonce de cessez-le-feu, les violations persistent, aggravant la situation humanitaire déjà critique.

Pour rappel, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël, le 26 janvier 2024, de prévenir tout acte de génocide à l'encontre des Palestiniens à Gaza et de permettre l'accès à l'aide humanitaire. De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 21 novembre 2024, plusieurs mandats d'arrêt, notamment contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza.

Par ailleurs, Israël bloque l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, invoquant des raisons de sécurité. Quelques autorisations minimes de passage de l'aide humanitaire ont été accordées, mais celles-ci demeurent largement insuffisantes pour répondre aux besoins de la population gazaouie.

Ce blocus a été condamné par plusieurs ONG, dont Médecins du monde, Oxfam et le Norwegian Refugee Council, qui alertent sur un "effondrement total" de l’aide humanitaire et dénoncent "l’un des pires échecs humanitaires de notre génération". Dans ce contexte, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a réaffirmé qu’"aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza".