AA / Paris / Ümit Dönmez
La France a défendu, ce jeudi, sa décision de ne pas boycotter l’Eurovision 2026 malgré la participation d’Israël, en rejetant toute accusation de traitement différencié par rapport à l’exclusion de la Russie, dans le contexte de la guerre en Ukraine en 2022.
Pour rappel, dans un message publié la semaine dernière sur la plateforme américaine X, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot avait justifié la position française en affirmant que « Jamais la France ne s’engagera dans la voie du boycott d’un peuple, de ses artistes ou de ses intellectuels. » Il avait salué le maintien d’Israël dans la compétition, se disant « fier que la France ait contribué à empêcher un boycott d’Israël dans cette enceinte », tout en assurant : « Nous assumons sans fard nos différends politiques et nos désaccords gouvernementaux avec Israël. Mais nous ne boycotterons pas ses artistes. »
Interrogé ce jeudi lors d’un point de presse, le porte-parole du Quai d’Orsay, Pascal Confavreux, a repris cette ligne en expliquant que la France ne considérait pas l’Eurovision comme un événement politique : « Cet événement n’est pas un sommet politique mais une compétition culturelle et artistique », a-t-il déclaré. Il a rappelé que la participation des pays au concours relevait d’une décision de l’Union européenne de radio-télévision (UER) : « Nous avons respecté la décision prise en 2022 concernant la Russie, nous respectons aujourd’hui celle concernant Israël. »
Plusieurs journalistes ont souligné le caractère asymétrique de cette position, rappelant que Paris n’avait à l’époque formulé aucune objection à l’exclusion de la Russie, alors qu’elle condamne aujourd’hui les appels au boycott d’Israël. Une question a notamment mis en lumière la contradiction perçue entre la posture française et celle de plusieurs États européens, comme l’Irlande, les Pays-Bas, l’Espagne, la Slovénie et l’Islande, qui se sont retirés de l’édition 2026 en signe de protestation. Barrot avait qualifié ceux qui appellent au boycott de « tenants de l’obscurantisme ». Sur ce point, le porte-parole a refusé de commenter.
Face aux critiques sur un prétendu soutien inconditionnel à Israël, Confavreux a répondu : « Il n’y a pas de soutien inconditionnel. Il y a une solidarité avec le peuple israélien, mais aussi des désaccords clairs, assumés, y compris à ce podium. » Il a cité notamment « la conduite de la guerre sur la bande de Gaza » et « les projets de colonisation en Cisjordanie », qualifiés de « ligne rouge » par la Diplomatie française.
- Un traitement différencié qui interroge
Le maintien d’Israël à l’Eurovision 2026 intervient alors que l’armée israélienne poursuit depuis octobre 2023 une agression meurtrière dans la bande de Gaza, qui a causé la mort de plus de 70 000 Palestiniens, selon plusieurs ONG. Parmi les victimes figurent plus de 13 000 enfants. La crise humanitaire s’aggrave, alors que l’accès à l’aide reste largement bloqué, malgré un récent cessez-le-feu.
En janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël de prendre des mesures pour prévenir tout acte de génocide. En novembre, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment l’usage de la famine comme arme de guerre.
Dans ce contexte, la décision de maintenir Israël dans une compétition culturelle internationale interroge. À l’inverse, la Russie avait été exclue de l’Eurovision dès 2022, peu après son invasion de l’Ukraine. Aucune voix officielle française n’avait alors exprimé de réticence à cette éviction.