L’avenir politique de Netanyahu demeure incertain malgré le soutien populaire à la guerre contre l’Iran

– Les Israéliens ont massivement soutenu les frappes contre l’Iran, mais selon les analystes, les bénéfices politiques pour le Premier ministre israélien restent incertains, en raison de ses ennuis judiciaires

AA/Istanbul/Abdel Raouf/ Mohammad Sio

Malgré un large soutien public en Israël à l'offensive militaire contre l’Iran, il reste incertain que cette campagne renforce la position politique du Premier ministre Benyamin Netanyahu, notamment une fois la poussière retombée.

Cibler l’Iran faisait partie des ambitions majeures de Netanyahu. Mais les frappes, lancées le 13 juin et prolongées pendant 12 jours, interviennent alors que le Premier ministre fait face à un avenir politique fragile.

Poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre dans la bande de Gaza, Netanyahu subit une forte pression intérieure en raison des échecs liés à l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, et approche d’une phase décisive dans son procès pour corruption, en cours depuis plusieurs années.

Il est pleinement conscient que la majorité des Israéliens, y compris dans l’opposition, soutiennent une frappe militaire contre l’Iran. Ce consensus s’est reflété dans les déclarations publiques et les sondages.

Une enquête menée le 22 juin par l’Institut israélien d’études sur la sécurité nationale a révélé que 73 % des Israéliens soutenaient les attaques contre l’Iran, tandis que 18 % y étaient opposés. Le sondage indique également que 76 % des personnes interrogées estiment que la décision d’attaquer était fondée en grande partie, voire très fortement, sur des considérations sécuritaires.

Cependant, seuls 9 % des personnes interrogées estiment que la menace nucléaire iranienne sera totalement éliminée. Près de la moitié, soit 49,5 %, pensent qu’elle sera en grande partie neutralisée, tandis que 27,5 % considèrent qu’elle sera légèrement réduite. Six pour cent affirment qu’elle restera inchangée.

Dès le début des frappes contre l’Iran, l’armée israélienne a diffusé des dizaines de vidéos montrant les bombardements sur des villes iraniennes, dans le but de renforcer le moral face aux salves de missiles qui ont touché plusieurs villes israéliennes, dont Tel-Aviv.

Alors que les Israéliens ont été témoins de destructions rarement vues auparavant, notamment dans le centre du pays, des responsables gouvernementaux ainsi que des figures de l’opposition ont défendu le coût de la guerre, le jugeant acceptable au vu de la menace que représente le programme nucléaire iranien, largement perçu en Israël comme une menace « existentielle ».


– La popularité de Netanyahu

La guerre a temporairement dopé la popularité de Benyamin Netanyahu, suscitant des spéculations parmi ses proches sur la possibilité qu’il tente d’en tirer parti en convoquant des élections anticipées, selon les médias israéliens.

Bien que le mandat de son gouvernement court jusqu’à la fin de 2026, les leaders de l’opposition réclament depuis plus d’un an des élections anticipées, des appels que Netanyahu a rejetés tant que le pays est en guerre.

Un sondage publié vendredi par le journal Maariv révèle que la guerre a renforcé le soutien au parti Likoud de Netanyahu, bien que ce regain ne soit pas suffisant pour former un gouvernement.

« Environ une semaine après le début de la guerre contre l’Iran, et à la lumière des succès militaires, Netanyahu enregistre une victoire politique majeure », écrit Maariv. Le sondage montre que le Likoud gagne cinq sièges à la Knesset, passant de 22 à 27 son meilleur score depuis l’attaque du Hamas en octobre 2023.

Cette tendance à la hausse s’est poursuivie même après l’annonce du cessez-le-feu mardi. Channel12 rapporte que si des élections avaient lieu aujourd’hui, le Likoud obtiendrait 26 sièges, devançant ainsi un nouveau parti de droite dirigé par l’ancien Premier ministre Naftali Bennett, crédité de 24 sièges.

Avant la guerre, les sondages donnaient pourtant le parti de Bennett en tête de toutes les formations.

Les enquêtes de Channel 12 et Maariv indiquent toutefois que le bloc de droite de Netanyahu n’atteindrait que 49 sièges loin des 61 nécessaires pour former une coalition gouvernementale.


– Réaction de l’opposition

Bien que tous les grands partis, y compris ceux de l’opposition, aient salué les résultats de la guerre en la qualifiant de « victoire », les dirigeants de l’opposition ont attribué le succès à l’armée et ont soigneusement évité de féliciter Benyamin Netanyahu.

Dans un discours de « victoire » préenregistré diffusé mardi, Netanyahu a déclaré : « Nous avons remporté une grande victoire et éliminé une menace existentielle pour Israël », qualifiant la guerre de « triomphe historique dont on se souviendra pendant des générations ».

Mais de nombreux observateurs estiment que la position de Netanyahu après la guerre dépendra des révélations à venir sur les résultats réels du conflit, notamment au regard des informations circulant aux États-Unis, selon lesquelles les frappes n’auraient pas réussi à détruire le programme nucléaire iranien.


– Menaces non résolues

L’analyste militaire israélien Ron Ben-Yishai a averti qu’il pourrait falloir des mois pour évaluer pleinement les dégâts infligés aux infrastructures nucléaires et balistiques de l’Iran.

« Quels dommages avons-nous réellement causés aux programmes nucléaire et de missiles iraniens ? Existe-t-il une réelle possibilité d’une percée rapide vers une bombe nucléaire 'simple ? », s’interroge-t-il dans une analyse publiée mercredi dans le quotidien Yediot Aharonot.

Il a également remis en question la volonté de Téhéran d’engager des négociations sérieuses et de faire des concessions réelles aux États-Unis, soulignant que « ce sont les questions qu’il faut désormais examiner tout en comblant les lacunes dans la défense civile d’Israël ».

Ben-Yishai a par ailleurs noté que « l’un des points clés reste la capacité balistique résiduelle de l’Iran. Bien que Téhéran ait lancé des missiles balistiques pendant la guerre, ses arsenaux de missiles de croisière et de drones ont été à peine utilisés. Il est possible que l’Iran conserve encore une capacité offensive significative dans ces domaines ».


– Gaza, accord États-Unis–Iran, conséquences politiques

Des interrogations ont émergé quant à la possibilité que Benyamin Netanyahu ait consenti à des concessions sur Gaza dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu plus large entre les États-Unis et l’Iran.

« Si le cessez-le-feu (avec l’Iran) tient, les questions clés seront de savoir si les États-Unis peuvent conclure un accord nucléaire plus strict avec l’Iran, et si Netanyahu a accepté des concessions sur Gaza dans le cadre des négociations pilotées par Trump », écrit Amos Harel, analyste militaire du Haaretz.

Selon lui, les frappes israéliennes ont peut-être modifié l’équilibre de la dissuasion, mais n’ont pas démantelé les ambitions nucléaires de l’Iran. Il estime que les bombardements ont non seulement « freiné le programme nucléaire iranien », mais aussi instauré un « nouvel équilibre de dissuasion ».

Avec le soutien du président américain Donald Trump en faveur d’un cessez-le-feu et la pression exercée sur Téhéran, Harel note que « la véritable question est de savoir si l’administration Trump peut conclure un accord contraignant imposant des exigences beaucoup plus strictes à l’Iran, avec des mécanismes de contrôle clairs ».

Cependant, il prévient que « l’expérience passée montre que le régime iranien cherchera probablement à faire traîner les négociations aussi longtemps que possible, n’hésitant pas à recourir à la dissimulation et à l’esquive pour éviter toute surveillance internationale ».

Harel évoque aussi la possibilité d’un accord informel de type “silence contre silence”, selon lequel Israël, et éventuellement les États-Unis, frapperaient à nouveau en cas de violation du cessez-le-feu.

« Mais sans accord détaillé », ajoute-t-il, « qu’est-ce qui constitue une violation ? Israël pourra-t-il réagir à toute activité nucléaire iranienne ? Peut-on réimposer des restrictions sans déclencher une guerre totale ? Et qu’en est-il des 450 kilos d’uranium enrichi à 60 % que l’Iran possède encore ? »

Harel critique également la guerre menée par Netanyahu à Gaza, qu’il qualifie de « plaie ouverte, avec un lourd tribut dû au refus du gouvernement de chercher une issue au conflit ».

« Tandis que Netanyahu tente de vendre aux Israéliens une nouvelle victoire totale, cette fois contre l’Iran, Gaza demeure, avec ses otages, ses morts, et une campagne militaire vaine qui tue des civils sans résoudre le conflit », conclut-il.


– Célébrations prématurées

Dans un éditorial, Maariv met en garde contre des « célébrations trop précoces » de la part de Netanyahu et de Donald Trump.

Malgré les déclarations de victoire, le journal note que plusieurs rapports indiquent que le programme nucléaire iranien n’a pas été détruit, mais simplement retardé de quelques mois.

« L’écart entre les déclarations politiques et la réalité sur le terrain est préoccupant surtout lorsque les dirigeants veulent projeter une image de victoire », écrit Maariv.

Israël a lancé ses attaques contre l’Iran à partir du 13 juin, frappant des sites militaires, nucléaires et civils, et ciblant des commandants militaires ainsi que des scientifiques du nucléaire iraniens. L’offensive a duré 12 jours, faisant 606 morts et 5 332 blessés.

En représailles, l’Iran a visé des installations militaires et de renseignement israéliennes avec des missiles balistiques et des drones, tuant 28 personnes et en blessant 3 238, selon les médias d’État iraniens.

Les États-Unis ont ensuite frappé des sites nucléaires iraniens, affirmant avoir « mis fin » au programme nucléaire de Téhéran. En réponse, l’Iran a bombardé la base militaire américaine d’Al Udeid, au Qatar.

Le 24 juin, les États-Unis ont annoncé un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran.


*Traduit de l'anglais par Sanaa Amir