France-RDC : Le procès de l’ex-chef rebelle congolais Roger Lumbala s’ouvre à Paris pour crimes contre l’humanité
- Jugé en vertu du principe de compétence universelle, l’ancien chef rebelle congolais répond devant la justice française d’accusations de crimes contre l’humanité commis dans l’est de la RDC entre 2002 et 2003
Istanbul
AA / Istanbul / Serap Dogansoy
Le procès de Roger Lumbala, ex-chef rebelle et ancien ministre congolais, s’ouvre ce mercredi 12 novembre devant la cour d’assises de Paris. Âgé de 67 ans, il a été mis en examen le 2 janvier 2021 pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes contre l’humanité » et « complicité de crimes contre l’humanité », des faits remontant aux années 2002 et 2003, au plus fort de la deuxième guerre du Congo.
Arrêté à Paris le 29 décembre 2020 par l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH), Roger Lumbala encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Son procès, prévu pour durer plus d’un mois, doit entendre les témoignages de nombreuses victimes congolaises, dont certaines feront le déplacement jusqu’à Paris.
Il a été inculpé en novembre 2023 en vertu du principe de compétence universelle, un mécanisme juridique qui permet à un État de poursuivre les auteurs présumés de crimes graves, indépendamment du lieu où ils ont été commis ou de la nationalité des victimes.
C’est la première fois qu’un ressortissant congolais est jugé en France pour des crimes commis en République démocratique du Congo (RDC), en vertu du principe de compétence universelle.
Les faits qui lui sont reprochés s’inscrivent dans le cadre de l’opération militaire dite « Effacer le tableau », menée entre octobre 2002 et janvier 2003 par le Rassemblement congolais pour la démocratie-National (RCD-National), groupe armé dirigé par Lumbala.
Soutenu par l’Ouganda, ce mouvement a cherché à s’emparer de la région de Beni, un territoire stratégique et riche en ressources minérales situé dans la province de l’Ituri. Selon un rapport des Nations unies publié en février 2003, cette offensive a été marquée par des « meurtres, viols et pillages systématiques » considérés comme des crimes contre l’humanité.
Entre 1998 et 2003, la deuxième guerre du Congo a opposé le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila au Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et à plusieurs puissances régionales, notamment le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi. Ancien allié de l’Ouganda, Roger Lumbala avait créé le RCD-National pour combattre le gouvernement du président Laurent-Désiré Kabila. Dans cette région isolée et instable, il aurait imposé un régime de terreur, orchestrant à la fois des massacres de civils, ayant fait plus d’un million de morts, l’exploitation de gisements d’or et de diamants, ainsi que le braconnage d’éléphants, selon des témoins congolais et étrangers.
À la fin du conflit, Roger Lumbala rejoint la vie politique congolaise. Il devient brièvement ministre du Commerce extérieur avant d’être suspendu en 2004 pour corruption et détournement de fonds publics. Il reprend ensuite les armes au sein du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe rebelle soutenu par le Rwanda, accusé par les Nations unies de multiples violations des droits humains dans l’est du pays.
En 2012, après une tentative d’arrestation au Burundi, il se réfugie à l’ambassade d’Afrique du Sud, puis quitte le territoire pour rejoindre la France. Installé à Paris, il tente d’obtenir de nouveau le statut de réfugié, qui lui est refusé par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) en raison de son implication présumée dans des crimes de guerre. Le signalement effectué par l’Ofpra en 2016 au titre de l’article 40 du code de procédure pénale déclenche une enquête du parquet de Paris, confiée à l’OCLCH.
Inculpé en novembre 2023, Roger Lumbala est aujourd’hui le premier ressortissant congolais jugé en France pour des crimes commis dans son pays au nom de la compétence universelle. Son procès constitue une étape importante pour les victimes congolaises, mais aussi pour la justice internationale, qui cherche à combler les lacunes laissées par des années d’impunité dans la région des Grands Lacs.
