France : l’envie d’émigrer bondit sur fond de chute de la confiance institutionnelle

- Selon une étude Gallup, 27 % des adultes en France disent vouloir s’installer définitivement à l’étranger, contre 11 % un an plus tôt, une hausse rare à l’échelle mondiale qui accompagne un net recul de la confiance dans les institutions

AA / Istanbul / Serap Dogansoy

Plus d’un quart des adultes en France envisagent de quitter définitivement le pays s’ils le pouvaient, un niveau inédit en près de vingt ans, dans un contexte de forte dégradation de la confiance dans les institutions et d’instabilité politique persistante, selon une étude de l’institut Gallup publiée le 22 décembre.

D’après le Gallup World Poll 2025, 27 % des personnes interrogées en France disent souhaiter s’installer durablement à l’étranger, contre 11 % l’an dernier, soit une progression de 16 points en un an. Il s’agit de l’une des plus fortes hausses annuelles enregistrées dans le monde depuis que l’institut pose cette question, en 2007.

Un recul de la confiance dans les institutions

Cette évolution s’accompagne d’une chute marquée de la confiance dans les institutions. La confiance dans le gouvernement national recule de 13 points sur un an, à 29 %, tandis que celle accordée au système judiciaire baisse à 50 % et celle envers les institutions financières à 42 %. La confiance dans l’honnêteté des élections tombe à 51 %. Aucun autre pays de l’Union européenne n’a enregistré en 2025 un repli moyen aussi prononcé sur l’ensemble de ces indicateurs, selon Gallup.

« En France, la confiance institutionnelle est habituellement relativement stable d’une année sur l’autre », souligne Benedict Vigers, rédacteur senior chez Gallup, cité dans l’étude. Les gains observés depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017 « ont été effacés en l’espace de douze mois », ajoute-t-il.

La dégradation du climat de confiance intervient dans un contexte de forte instabilité politique. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, plusieurs Premiers ministres se sont succédé, tous confrontés à l’absence de majorité parlementaire. Les projets de loi de finances ont à plusieurs reprises déclenché des motions de censure, alimentant un sentiment de paralysie institutionnelle.

La cote d’approbation du chef de l’État a également reculé. En 2025, elle s’établit à 28 %, un plus bas historique, contre 61 % lors de sa première année à l’Élysée, selon Gallup. Ce niveau demeure toutefois supérieur à celui enregistré par son prédécesseur, François Hollande, en fin de mandat.

Sur le plan économique, le pessimisme reste très répandu. Selon l’enquête, 67 % des Français estiment que leur situation économique se détériore, contre 21 % qui jugent qu’elle s’améliore. Depuis 2015, la France figure parmi les pays les plus pessimistes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), juste derrière la Grèce.

Accentuation des perceptions de corruption

Gallup établit un lien direct entre défiance institutionnelle et désir d’émigration. Près de la moitié des personnes n’ayant confiance que dans une seule institution, ou dans aucune, déclarent vouloir quitter le pays, contre une proportion nettement plus faible parmi celles exprimant un niveau de confiance plus élevé.

Parmi les destinations envisagées par les Français souhaitant partir figurent en priorité le Canada (15 %), la Suisse (8 %), ainsi que l’Espagne et l’Algérie (6 % chacune).

L’étude souligne également une accentuation des perceptions de corruption. En 2025, 68 % des adultes estiment que la corruption est largement répandue au sein du gouvernement, un niveau en hausse de 13 points sur un an, équivalent au record observé en 2015.

Plusieurs affaires judiciaires impliquant des responsables politiques ont marqué l’actualité récente, dont les condamnations de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen, ainsi que des procédures visant la ministre de la Culture Rachida Dati et le ministre de la Justice Gérald Darmanin.

Selon Gallup, ces différents indicateurs traduisent une rupture nette après plusieurs années de relative stabilité. Alors que le mandat présidentiel d’Emmanuel Macron doit s’achever en 2027, l’étude souligne que le principal défi pour son successeur sera de restaurer une confiance publique profondément érodée.