France : des enseignants dénoncent le recours croissant à leurs fonds personnels pour financer les fournitures scolaires

- De nombreux enseignants en France dénoncent le recours croissant à leurs fonds personnels pour financer les fournitures et ressources pédagogiques de leurs classes, une pratique répandue pouvant représenter plusieurs centaines d’euros par an

AA / Istanbul / Seyma Erkul Dayanc

En France, de nombreux enseignants disent devoir financer eux-mêmes une partie des fournitures et ressources pédagogiques utilisées dans leurs classes, une pratique répandue qui peut représenter plusieurs centaines d’euros par an, selon des témoignages recueillis par 20 Minutes, le quotidien d’information français.

À l’approche des fêtes de fin d’année, dans une classe de cours préparatoire (CP) à Paris, des élèves réalisent des travaux manuels de Noël à l’aide de fil chenille, un petit fil métallique pourvu de poils en polyester. Le matériel n’a toutefois pas été fourni ni financé par l’établissement scolaire. L’enseignant s’est rendu dans un magasin et l’a payé de sa poche, rapporte le quotidien. Un achat de quelques euros, multiplié par le nombre d’élèves, année après année.

Selon un sondage publié en janvier, 92,2 % des enseignants du premier degré, en maternelle et en école élémentaire, déclarent utiliser leur propre argent pour acheter des fournitures ou des ressources pédagogiques complémentaires pour leurs classes. De petites sommes en petites sommes, la facture devient significative : la dépense annuelle moyenne d’un enseignant au profit de ses élèves s’élèverait à 297 euros, selon cette enquête.

Certains témoignages font état de montants plus élevés. « J’ai fait les comptes à la fin de l’année scolaire : j’ai dépensé près de 500 euros entre le matériel créatif, les jeux, les méthodes et les cahiers », témoigne Corinne, enseignante de primaire près de Sedan, dans les Ardennes, , dans un entretien accordé à 20 Minutes. « Sauf que cet argent, je l’ai mis dans ma classe, pas pour payer mes factures. À un moment, ça coince », ajoute-t-elle.

Une situation également décrite par Charlotte, enseignante de français, théâtre et cinéma dans un lycée à Marseille. « J’achète des fournitures et de nombreux livres, chers, pour la préparation des cours. Je fais aussi des photocopies couleur à la maison pour mes élèves, et n’hésite pas à leur donner des crayons et des cahiers », explique-t-elle à la même source. « Quand j’ai eu un coup dur financier, en période de forte inflation, cela n’a pas été simple », poursuit cette enseignante, qui exerce depuis une vingtaine d’années.

Elle exprime une « rancœur » face à une situation qu’elle juge banalisée, soulignant que, dans le secteur privé, les employeurs fournissent généralement le matériel professionnel de base. Autant de « petites choses » qui lui donnent le sentiment que les enseignants « sont assez maltraités par l’institution ».

Muriel, enseignante près de Poitiers (Vienne) depuis près de quarante ans, reconnaît de son côté ne s’être « jamais penchée » sur la question des dépenses personnelles engagées pour les stylos, carnets, feuilles ou clés USB achetés au fil des années, selon des témoignages recueillis par 20 Minutes. « Cela fait tellement longtemps que ces achats personnels pour la classe sont dans les mœurs, que je n’ai jamais rien réclamé à ma direction », confie-t-elle, estimant que « les enseignants plus jeunes sont plus exigeants [qu’elle], car nous faisons un métier malheureusement peu payé et encore moins valorisé ».

Pour Jean-François Géréraud, professeur des écoles et représentant syndical à l’Unsa Éducation dans la région de Béziers, cette situation s’est installée durablement, a-t-il déclaré au quotidien français. « Nous avons trop normalisé de dépenser notre argent, il faut en parler, il faut que ça change », a-t-il affirmé. « Car le jour où plus aucun enseignant ne mettra d’argent [personnel] dedans, ce sera la fin de l’école publique », a-t-il averti.

Plusieurs études spécialisées indiquent que la part des dépenses d’éducation prise en charge par les ménages, y compris pour les matériels et ressources scolaires, représente une part non négligeable du financement de l’éducation, ce qui reflète les difficultés de financement public perçues par certains acteurs du secteur.

Selon des données du ministère de l’Éducation nationale, dans la structure globale des dépenses liées à l’éducation, les ménages contribuent directement à hauteur d’environ 7,8 % du coût total, notamment pour des fournitures et des dépenses associées non couvertes par les dotations publiques.