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Covid-19 : la France entre dans une récession historique

Selon la prévision publiée mercredi 8 avril par la Banque de France, l'économie française s'est contractée de 6% au premier trimestre de l'année courante.

Ümit Dönmez  | 09.04.2020 - Mıse À Jour : 09.04.2020
Covid-19 : la France entre dans une récession historique

Ankara

AA - Besançon (France) - Ümit Dönmez

Selon la prévision publiée mercredi 8 avril par la Banque de France, l'économie française s'est contractée de 6% au premier trimestre de l'année courante.

Après un recul de 0,1% au quatrième trimestre de l'année 2019, cela signifie que la France est officiellement entrée en récession.

- Le nouveau coronavirus continue d'affecter les vies humaines

La pandémie de nouveau coronavirus (Covid-19), apparue dans la ville de Wuhan, en Chine, au cours du mois de décembre, a touché plus de 180 pays dans le monde, avec plus d'un 1,5 million de cas confirmés de contamination, ainsi que plus de 88 000 décès et plus de 330 000 personnes ayant rétabli, selon le dernier bilan établi par l'Université américaine John Hopkins.

Alors que la Chine semble avoir réussi à endiguer l'épidémie dans le pays, avec 3 335 personnes décédées du virus pour 81 625 cas confirmés, selon les chiffres officiels, les États-Unis et l'Europe occidentale continuent de subir la pandémie de plein fouet.

Plus de 435 000 cas de contamination Covid-19 ont été enregistrés aux États-Unis et un total de 575 000 cas ont été détectés (dans l'ordre décroissant) en Espagne, Italie, Allemagne, France, et au Royaume-Uni.

Les États-Unis déplorent 14 800 décès du Covid-19, et ces cinq pays européens en dénombrent plus de 56 000, l'Italie étant le pays le plus affecté (17 700), l'Allemagne dénombrant le moins de morts (2 350).

La France déplore 10 869 décès du Covid-19, selon les chiffres officiels publiés mercredi 8 avril, rapportant plus de 21 000 cas rétablis.

- L'économie française entre dans sa pire récession depuis 75 ans

À ce contexte de crise sanitaire mondiale, s'ajoute la crise économique dûe aux mesures de confinement imposées aux populations afin d'endiguer la progression du nouveau coronavirus.

Selon la prévision publiée mercredi 8 avril par la Banque de France, alors que le confinement entre dans sa quatrième semaine, l'économie française s'est contractée de 6% au premier trimestre de cette année.

L'institution financière indépendante a basé son rapport sur une enquête menée auprès de 8 500 entreprises, entre le 27 mars et le 3 avril.

Ce recul estimé du produit intérieur brut (PIB) représente la plus grande contraction trimestrielle de l'économie française depuis 1945.

"Il faut remonter au 2ème trimestre 1968, marqué par les événements du mois de mai, pour retrouver une baisse trimestrielle de l'activité [-5,3%] du même ordre de grandeur", note la Banque de France.

Durant la crise financière "des subprimes", au cours de l'année 2009, l'économie française s'était contractée de 2,87%, avec un impact notable sur le chômage.

Après un recul de 0,1% au quatrième trimestre de l'année 2019, cette contraction au premier trimestre 2020, signifie également que la France est officiellement entrée en récession économique (définie par deux trimestres consécutifs de croissance négative).

- Le confinement affecte lourdement l'économie

Selon une estimation de l'agence officielle de statistiques (INSEE) rendue publique le mois dernier et confirmée par les récentes estimations de la Banque de France, l'économie française tournait aux deux tiers de son niveau normal le mois dernier, et la situation reste inchangée alors que le gouvernement français a récemment annoncé que le confinement serait prolongée au delà du 15 avril.

Chaque quinzaine de confinement imposée par le gouvernement pourrait faire chuter de 1,5 point de pourcentage la croissance annuelle de l'économie, notait l'INSEE, à titre indicatif.

Le directeur du conseil médical avisant le gouvernement français a souligné la nécessité, mercredi, de prolonger le confinement de plusieurs semaines.

Le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique et immunologiste, cité par les médias français, a estimé que jusqu'à 17 millions de Français étaient gravement menacés par le nouveau coronavirus.

"Quand je voyais ce week-end à Paris, avec ce beau temps, qu'il y avait une sortie importante dans certains endroits, j'appelle ça une forme de suicide collectif, à la fois pour ceux qui sortaient et pour les autres", déplorait le professeur Delfraissy.

- Croissance massive du chômage partiel

Selon les chiffres de la Direction des statistiques du ministère du Travail, au 7 avril, près de 6,3 millions de personnes étaient au chômage partiel, soit une hausse de 2,6 millions de personnes en une semaine.

La ministre française du Travail, Muriel Pénicaud avait indiqué mardi, au cours d'une audition au Sénat par vidéoconférence, que 5,8 millions de salariés étaient au chômage partiel à la date du 6 avril 2020, représentant un travailleur sur quatre dans le secteur privé, pour un coût potentiel estimé de 19,6 milliards d'euros sur les trois mois du premier trimestre.

"5,8 millions de salariés pour un total de 2,4 milliards d'heures chômées demandées. En moyenne, c'est 12 semaines à 35 heures hebdomadaires qui ont été demandées", avait précisé la ministre, notant que "à peu près la moitié de l'économie [française] est à l'arrêt".

Alors que la France est confinée, le pouvoir d'achat moyen des Français étant affecté par ces taux élevés de chômage et les niveaux d'épargne étant à des niveaux très bas, la consommation risque, à son tour, d'entrer dans le rouge.

- De nombreuses entreprises manquent d'argent

Selon le rapport de la Banque de France, un grand nombre d'entreprises française sont à court de trésorerie, dans le secteur tertiaire notamment.

Au cours du mois de mars, "17% des petites et moyennes entreprises (+10 points à fin mars) et 22% des entreprises de taille intermédiaire (+12 points à fin mars) déclarent avoir fait une demande" de crédit auprès d'un banque.

L'institution financière note cependant que l'intégralité des mesures gouvernementales n'avaient pas encore été mise en place à la période de l'enquête, notamment les prêts bancaires garantis par l'État.

"Les entreprises ont fait leur demande mais n'ont pas encore reçu les fonds qui peuvent couvrir 25% de leur chiffre d'affaires annuel", rapporte la Banque de France.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, interrogé mercredi par le journaliste Yves Calvi au micro de la radio française RTL, rapportait que "130 000 entreprises ont déjà demandé ces prêts aux entreprises, ces prêts garantis par l’État".

Le gouvernement français a initié un plan de sauvetage économique d'une valeur estimée à 45 milliards d'euros, afin de soutenir les entreprises en difficulté.

- L'impact de la crise par secteur économique

Le confinement général ainsi que la fermeture des lieux publics tels que les restaurants, les cantines et les bars, depuis plus de trois semaines, a fortement impacté l'activité économique des Français.

La Banque de France estime que la majorité des secteurs économiques ont connu de fortes pertes d'activité, de façon brutale, les secteurs les plus impactés par les conséquences économiques du nécessaire confinement étant la construction, le commerce des magasins, les transports, ainsi que l'hébergement et la restauration.

La contraction dans le bâtiment est estimée à 75% alors que la dégradation de l'activité serait d'environ 65% pour ces autres secteurs.

Les services marchands font partie des secteurs les plus touchés par la crise (-37%).

Une inflexion de l'activité se remarque également dans le secteur industriel, les sites de production ayant tourné en moyenne à 56% de leur pleine capacité au mois de mars, alors que ce chiffre était de 78% le mois précédent, avec les taux d'activité des sites industriels de l'automobile s'établissant à 41%, et à 46% pour la métallurgie.

La production pharmaceutique (79%) et l'industrie agro-alimentaire (71%) réalisaient une meilleure performance, bien que que fortement touchés elles aussi.

La production et de la distribution de l'énergie, le secteur des finances (-12%), l'immobilier (-12%), et les services non-marchands (-9%) seraient les activités les moins affectées par la crise, dans l'état actuel.

- La morosité de l'économie européenne

Alors que l'impact du repli économique des États-Unis, première économie mondiale, subissant également de plein fouet la crise économique, ne se fait pas encore pleinement ressentir en Europe, l'Allemagne, premier partenaire commercial de la France, glisse également dans une récession majeure, avec une prévision de décroissance de près de 10% au deuxième trimestre de cette année, selon les déclarations de plusieurs instituts financiers allemands.

L'économie allemande aura connu une contraction de 4,2% en 2020, selon leurs estimations.

Dans la zone Euro, le groupe de 19 pays de l'Union européenne (UE) qui partagent la même monnaie, les analystes s'attendent à une récession, et à une contraction d'environ 13% cette année.

À titre de comparaison, en 2009, la pire année de crise financière de l'histoire du bloc, l'économie avait reculé de 4,5%.

Les bourses européennes et américaines ont perdu en moyenne un cinquième de leurs valeurs depuis le 20 février 2019, malgré une stabilisation générale des compteurs depuis la mi-mars.

- Le manque de solidarité européenne déplorée par le ministre français de l'Économie

Après 16 heures de réunion par vidéoconférence, les ministres de l'Économie et des Finances de la zone Euro, n'ont pas réussi à se mettre d'accord, mercredi, sur les mesures de soutien à l'économie continentale, affectée par l'épidémie de coronavirus.

Alors que tous les gouvernements européens ont augmenté leurs dépenses pour soutenir leurs économies affectées par la crise, la réponse collective de l'UE n'a pas encore été établie, ce qui a provoqué la colère du ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire.

"Alors que nous comptons des centaines et des milliers de morts, les ministres des finances jouent sur les mots et les adjectifs", a notamment déclaré Le Maire, à l'issue de la réunion.

Et le ministre d'ajouter : "C’est une honte pour les ministres des Finances, une honte pour l’Eurogroupe et une honte pour l’Europe. Nous devons avoir une compréhension commune de la gravité de la crise et décider d'une réponse commune forte."

Avertissant que les économies européennes seront durablement impactées par l'insuffisance d'une réaction commune et solidaire, Le Maire a ainsi poursuivi sa déclaration : "Nous serons jugés sévèrement d’abord par les marchés, puis par nos populations, puis par d’autres pays qui nous verront incapables de surmonter nos divergences de vues."

Le ministre français a conclu en déclarant que "l'avenir de l'Europe et de l'euro sont en jeu."

Les négociations buttent sur le paquet en trois parties, s'élevant à environ 500 milliards d'euros.

Il inclut jusqu'à 240 milliards d'euros de prêts d'urgence provenant du fonds de sauvetage permanent de la zone euro, des garanties de crédit de la Banque européenne d'investissement (EIB) pour maintenir les entreprises à flot, ainsi qu'un soutien aux entreprises afin d'éviter les licenciements massifs, et l'explosion du chômage.

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