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Au lendemain du coup d'Etat : Les Burkinabè partagés entre espoir et craintes (Reportage)

- A Ouagadougou, capitale du Burkina Faso habituée aux coups d'Etat, la vie a repris son cours normal ... Ou presque.

Fatma Bendhaou  | 25.01.2022 - Mıse À Jour : 26.01.2022
Au lendemain du coup d'Etat : Les Burkinabè partagés entre espoir et craintes (Reportage)

Burkina Faso

AA / Ouagadougou / Dramane Traoré

Au lendemain du coup d’Etat perpétré par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), les Burkinabè sont partagés entre espoir et craintes, dans un contexte marqué par des attaques terroristes qui ont déjà fait plus de 2000 morts et plus de 1,5 million de déplacés internes en proie à une crise humanitaire, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaire de l’ONU.

Dans leur déclaration, les militaires ont expliqué que leur action intervient dans un contexte marqué par la montée du terrorisme dans le pays depuis 2015 et l’" incapacité manifeste (de Kaboré et son gouvernement, NDLR) à faire face efficacement à la dégradation de la situation sécuritaire".

"Tout le monde était préoccupé par la question du terrorisme. Le Président avait changé des ministres et des chefs militaires. Mais rien n’a changé. Donc logiquement c’est lui qui était le problème", a expliqué à l’Agence Anadolu, Eric Sawadogo, détenteur d’un restaurant dans le quartier Ouaga 2000.

"Maintenant on peut dire que les militaires ont l’appareil de l’Etat. Ils ne pourront plus accuser quiconque de les empêcher de lutter contre le terrorisme", lance Ousmane Simporé, un chauffeur de camion rencontré dans une station-service.

Étudiante en médecine, Alimata Ouattara se dit prudente. "C’est vrai que nous espérons tous que ce changement permette d’en finir avec cette question d’insécurité. Mais il faut reconnaître que la démocratie a pris un coup dur. Nous osons croire qu’ils (la junte) respecterons leurs engagements en passant la main aux civils rapidement", a-t-elle dit.

A Ouagadougou, au lendemain du coup d’Etat, les populations vaquent à leurs occupations, notamment les travailleurs du secteur privé. "Nous vivons une période de coup d’Etat, mais si tu restes à la maison qui va nourrir ta famille ? Je suis un livreur, donc je travaille", a expliqué Faïsal Tiendrébeogo.

Comme plusieurs personnes rencontrées en cette matinée de mardi, à Ouagadougou, il fonde l'espoir que la junte au pouvoir va prendre au sérieux la question de l’insécurité.

Dans l’administration publique, ce n’est pas la grande affluence. "Le gouvernement est dissous. Mais comme il a été dit que les secrétaires généraux vont assurer les affaires courantes, nous allons voir ce qui se passe là-bas", a dit un agent des impôts sous couvert de l’anonymat.


- "La page de Roch est sans doute tournée"

"Face à la recrudescence des attaques, à la mauvaise gouvernance économique et politique, à l’insouciance caractérisée au plus haut niveau de l’Etat, à des crises socio-économiques, éducatives, sociales, humanitaires inédites, le peuple indigné du Burkina Faso dans toutes ses composantes sociales a exprimé sa profonde désapprobation à travers de multiples manifestations populaires sur l’ensemble du territoire national", a réagi le Parti pour le Développement et le Changement (PDC) de Saran Séré Sérémé, ex-médiateur du Faso qui avait quitté la mouvance présidentielle en septembre 2021.

"L’armée s’est vue dans l’obligation de répondre aux cris du cœur du peuple meurtri", a ajouté le PDC.

"Tout en espérant que les valeurs d’intégrité, de justice, de cohésion sociale, d’inclusion et de dignité seront une réalité dans la conduite des affaires de l’Etat, le PDC appelle à une mobilisation de toutes les composantes sociales au tour de la cause nationale pour préserver l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’unité nationale", a souligné le parti, rappelant qu’il reste "profondément attaché aux valeurs démocratiques, chèrement acquises par notre vaillant peuple et au retour à une vie constitutionnelle normale".

Dans une déclaration, le Front patriotique pour le renouveau (FPR) a expliqué que l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré n’était plus en mesure d’assurer l’unité et la cohésion du peuple Burkinabè au sein d’une situation nationale profondément dégradée.

C’est pourquoi, "les Forces Armées ont pris leur responsabilité en procédant à son arrestation", a indiqué le président du FPR Aristide Ouédraogo expliquant qu’"il y a des moments dans la vie où il faut savoir rester, quoi qu’il en coûte, en phase avec les aspirations populaires dans une constance assumée".

Commentant la situation dans une tribune, l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Newton Ahmed Barry, par ailleurs journaliste, a expliqué que "la page de Roch est sans doute tournée. Ce n’est plus pour lui que nous disposons. Les actuels et ceux à venir ont du souci à se faire, si la 'malédiction' n’est pas exorcisée".

"On peut, dans notre colère-frustration légitime l’accabler. Il faudra cependant, s’interroger sur ce qui ne va pas ? Pourquoi nous n’y arrivons pas ? Dix présidents, sur 60 ans environ, avec zéro réussite à passer démocratiquement le témoin, ça doit nous interroger ? Il est impossible d’imaginer qu’aucun des dix n’était bon ? C’est d’ailleurs le contraire, puisque deux d’entre eux, au moins, sont élevés au panthéon de l’estime national ; Lamizana et Sankara", a-t-il soutenu.

Il a salué la première déclaration du MPSR qui "a eu l’élégance de ne pas faire dans l’insulte et l’accablement du Président qui est par terre".

Le Burkina Faso, pays d'Afrique de l'Ouest, est un habitué des coups d'État depuis les premières années de son indépendance, avec 8 putschs dont le dernier remonte à dimanche.

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