Analyse

La Türkiye a rempli son rôle dans la crise des réfugiés ; c'est désormais à l’Occident d’agir (Analyse)*

Ekip  | 30.06.2022 - Mıse À Jour : 03.07.2022
 La Türkiye a rempli son rôle dans la crise des réfugiés ; c'est désormais à l’Occident d’agir (Analyse)*

Istanbul


AA/Istanbul

Ankara a adopté une "politique de la porte ouverte" et s'est efforcée de persuader la coalition de mettre fin aux massacres perpétrés par le régime, d'éliminer la menace que représentent DAESH et PYD/YPG, d'établir une "zone de sécurité" dans le nord de la Syrie afin de faciliter les retours volontaires.

L'auteur est professeur associé au département de politique et d'administration publique de l'université Kilis 7 Aralik. Il étudie la représentation des réfugiés dans les médias et les discours politiques, la mise en œuvre des politiques migratoires et l'intégration des réfugiés dans l'enseignement supérieur.

Au niveau mondial, les migrations de masse et les préoccupations liées aux réfugiés constituent un défi important pour les pays et les organisations internationales. La Türkiye, en revanche, est louée pour sa capacité à accueillir la plus importante communauté de réfugiés au monde actuelle et pour sa résilience et sa capacité à gérer les afflux de réfugiés en provenance de ses territoires voisins et des régions en proie à des conflits.

Pour la Türkiye, les migrations de masse et l’afflux de réfugiés ne sont pas des phénomènes nouveaux ; le pays accueille depuis longtemps diverses populations déplacées en provenance des Balkans, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'ailleurs. Une combinaison de facteurs explique le changement paradigmatique qu'a connu la Türkiye. Le pays a maintenu sa stabilité politique et sa croissance économique contre vents et marées, contrairement à ses voisins instables. Grâce à sa candidature à l'UE et à l'importance croissante qu'elle occupe dans la politique mondiale sous le gouvernement actuel, elle a entrepris des réformes législatives impliquant l'accueil des réfugiés. Ces facteurs, ainsi que d'autres caractéristiques géographiques et culturelles, font du pays un choix évident pour les personnes qui fuient la mort et les persécutions, ainsi que pour celles qui cherchent un cadre de vie meilleure.

-La Türkiye a mené une politique de la porte ouverte

La Türkiye accueille à ce jour 3,7 millions de réfugiés syriens, sans compter les plus de 200 000 Syriens qui ont obtenu la nationalité turque après 2012. En 2012, la Türkiye a poursuivi une politique d’ouverture et a accepté tous les Syriens, indépendamment de leur ethnie et de leur religion, lorsque le régime d'Assad n'a pas tenu compte des demandes de réformes des groupes d'opposition et a commencé à les massacrer avec le soutien de la milice iranienne et des avions-chasseurs russes.

Lorsque l'administration Obama a déclaré que c'était une "fantaisie" pour les combattants de l'opposition syrienne de gagner la guerre avec l'artillerie américaine, cela signifiait que le régime et ses partisans avaient champ libre. L'"impasse stratégique" - selon les termes de l'envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Geir Otto Pedersen - a été créée et prolongée par des organisations mandataires, d'abord DAESH, puis le PYD affilié au PKK et sa branche YPG, ce qui a entraîné la plus grande crise de déplacement de populations au monde. Alors que les premiers ont causé la mort, des blessures et des calamités aux Arabes, Kurdes, Yézidis et Turkmènes syriens, ainsi que la destruction des villes syriennes, les seconds n'ont jamais combattu le régime, ont supprimé tous les partis politiques kurdes et tué tous les dissidents, y compris des acteurs politiques kurdes bien connus comme Mashaal Temmo.

Des millions de Syriens ont échappé aux atrocités du régime et à ces groupes terroristes. Afin d'éradiquer les menaces que représentent ces groupes terroristes et de renforcer la sécurité de ses frontières, la Türkiye a érigé un mur de 4 mètres de haut le long de 98 % de sa frontière terrestre avec la Syrie et a créé des zones de sécurité dans le nord de la Syrie après quatre opérations militaires réussies.

-Les pays européens n'ont jamais tenu leurs promesses

Le régime d'Assad et la Russie ont tous deux contraint les Syriens à se déplacer à l'intérieur et à l'extérieur de la pays, à l'instar de ce que fait la Russie en Ukraine depuis février 2022. La réponse de la Türkiye à cette pression coercitive en ouvrant ses frontières a permis de sauver des millions de vies et potentiellement l'avenir de la Syrie. Près d'un demi-million de bébés syriens sont nés en Türkiye depuis 2011, et l'approche humanitaire et responsable de la Türkiye face à la migration forcée a permis d’alléger les souffrances. En présentant l'afflux de Syriens comme une "crise", notamment en 2014 et 2015, les pays européens ont fui leur responsabilité de protection en acceptant de partager le fardeau de la Türkiye, mais n'ont jamais tenu leurs promesses.

Aux premiers stades de l'exode massif des Syriens, la Türkiye a créé des centres d'hébergement temporaire le long de la frontière et à l'intérieur du pays, dont la plupart ont été progressivement fermés. Aujourd'hui, seuls 50 043 réfugiés syriens résident dans des centres d'hébergement temporaire, et le reste des réfugiés syriens vivent dans les agglomérations urbaines. Les villes turques accueillent aujourd'hui des réfugiés syriens dans des proportions variables, Istanbul et les villes du sud-est du pays en comptant le plus grand nombre. Kilis, une ville du sud-est de la Türkiye située à la frontière turco-syrienne, a un ratio réfugiés syriens/population locale de 38,4 %, ce qui est inimaginable dans la plupart des villes européennes.

-Les services mis en place pour les Syriens en Türkiye

Tous les réfugiés syriens enregistrés en Türkiye bénéficient d'une protection temporaire en vertu de la loi 6458 et ont accès à des soins de santé gratuits. En outre, 185 centres de santé pour réfugiés financés par l'UE accueillent les réfugiés syriens dans 29 villes turques afin de pallier la barrière de la langue. Près de 4 000 professionnels de la santé syriens sont employés dans ces centres.

Pour répondre aux besoins fondamentaux des réfugiés syriens, le Croissant-Rouge turc, en collaboration avec la Halkbank, a créé le dispositif de la carte du Croissant-Rouge, qui permet de fournir les montants alloués aux personnes dans le besoin tout en gagnant du temps et en évitant les formalités logistiques. Les titulaires de la carte peuvent effectuer leurs achats sans utiliser d'argent liquide en transférant l'argent prévu par le Croissant-Rouge turc sur leur propre compte affilié à leur carte Croissant-Rouge.

La scolarisation dans l'enseignement primaire a atteint 65% grâce à une législation favorable et des initiatives exceptionnelles. 730 086 élèves syriens étaient inscrits dans les écoles turques en janvier 2022, dont 40 547 en maternelle, 313 695 en primaire, 268 753 en collège et 107 812 en lycée. Près de 1,5 million de Syriens ont suivi des cours gratuits, visant principalement à enseigner la langue turque et à acquérir des compétences professionnelles, dans les centres d'éducation publics entre 2014 et 2021.

-Intégration des Syriens

Durant les premières étapes de la migration de masse, la Türkiye a accepté et assuré l'intégration des étudiants universitaires syriens dans le système d'enseignement supérieur du pays en validant leur diplôme et leur attestation lorsqu'aucun autre document n'était disponible. À ce jour, les étudiants universitaires syriens sous régime temporaire inscrits dans les universités turques pour l'année universitaire 2020-21 totalisent 47 482, soit 21 %, ce qui en fait le plus grand groupe d'étudiants internationaux en Türkiye. Cela signifie que 9,5 % des 500 000 réfugiés syriens âgés de 19 à 24 ans étaient inscrits dans des établissements d'enseignement supérieur turcs, ce qui est supérieur au taux d'inscription global des réfugiés, qui est de 5 %.

En 2019, les réfugiés syriens ont créé 15 159 entreprises, employant plus de dix mille travailleurs syriens. Les artistes syriens d'Istanbul, en particulier, ont bénéficié de la vie artistique et culturelle de la Türkiye et y ont contribué.

-Retour volontaire des Syriens

La Türkiye est le pays qui a la plus importante frontière terrestre avec la Syrie et a été la plus touchée par la catastrophe en cours et les migrations forcées. La Türkiye a rempli son rôle dans la crise des réfugiés ; c'est désormais à l'Occident et au reste du monde d'agir. Au départ, Ankara a adopté une "politique de la porte ouverte" à l'égard des Syriens fuyant le conflit et les attaques terroristes et a déployé d'énormes efforts pour persuader la Coalition, formée sous la direction des États-Unis, de mettre fin au massacre de Syriens par le régime Assad, d'éliminer la menace représentée d'abord par DAESH et ensuite par le PYD/YPG, et d'établir une "zone de sécurité" dans le nord de la Syrie afin de faciliter un retour volontaire. Cependant, ces efforts sont restés vains.

Usant de son droit à l'autodéfense reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations unies et par le droit international coutumier, et afin de sécuriser sa frontière méridionale et de stopper l'afflux de réfugiés, la Türkiye s'est vue contrainte de lancer des opérations militaires dans le nord de la Syrie en coopération avec l'Armée nationale syrienne. Les zones de sécurité réduisent la nécessité de s'approcher de la frontière turque et constituent une barrière cruciale contre les nouveaux flux de migrants en offrant un espace sûr à la population civile et en facilitant le retour volontaire des Syriens dans les zones où la vie est revenue à la normale.

* Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de l’Agence Anadolu.

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