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Rejetant la décision d'annexion… la scène palestinienne s'embrasera-t-elle de nouveau? (Analyse)

Les experts ont été unanimes à avancer que la poursuite et l'extension de toute confrontation si elle parvenait à s’enclencher dépendra du degré « d’organisation » du mouvement populaire et de la volonté politique.

Mona Saanouni  | 10.06.2020 - Mıse À Jour : 10.06.2020
Rejetant la décision d'annexion… la scène palestinienne s'embrasera-t-elle de nouveau? (Analyse)

Ramallah

AA / Ramallah (Cisjordanie occupée) / Loubeba Dokan

Les avis d’experts palestiniens ont été divergents quant à l’éventualité de l’enclenchement d’une confrontation populaire ou militaire entre les Palestiniens et Israël, en signe de protestation ou de rejet de la décision de Tel-Aviv d’annexer des Territoires palestiniens.

Néanmoins, les mêmes experts ont été unanimes à avancer que la poursuite et l'extension de toute confrontation si elle parvenait à s’enclencher dépendra du degré « d’organisation » du mouvement populaire et de la volonté politique, pour que ladite confrontation ne soit pas sporadique n'aboutissant pas à des résultats politiques sur le terrain. 

Les Nations Unies avaient mis en garde dans un rapport élaboré par l'envoyé onusien spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Nikolay Mladenov, que l'annexion par Israël de zones palestiniennes entraînerait l’éclatement d’un conflit et générerait une instabilité en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

Le gouvernement israélien envisage d’amorcer les mesures d’annexion des colonies en Cisjordanie à compter du 1er juillet prochain, selon des déclarations antérieures faites par Netanyahu.

Selon des estimations palestiniennes, l'annexion israélienne touchera plus de 30% de la superficie de la Cisjordanie.

En réponse à cette mesure, le président palestinien Mahmoud Abbas a annoncé n’être plus tenu de respecter l’ensemble des accords et des arrangements conclus avec les gouvernements américain et israélien, et de tous les engagements qui y sont issus, y compris dans le domaine de la sécurité.

• Exclure la confrontation

Aymen Youcef, professeur de science politique à l'Université arabo-américaine (privée) à Jénine (Nord de la Cisjordanie),estime que les « lectures sécuritaires et stratégiques de cette étape sont mystérieuses et floues ».

Dans un entretien accordé à l'Agence Anadolu, Youcef a exclu l’éclatement de confrontations militaires à grande échelle.

Il a, cependant, indiqué : « Il est possible de voir quelques opérations de guérilla dans des zones limitées, ainsi que certaines illustrations de résistance populaire et des manifestations qui peuvent être mobilisées et orientées contre l'Accord du siècle et la décision d'annexion ».

Cependant, la scène palestinienne intérieure, selon Youcef, n’est pas « vraiment propice à cette Intifada, en raison de la scission palestinienne interne, et de la préoccupation par la population par les conditions socioéconomiques difficiles, particulièrement, à l’issue de la crise de la Covid-19 ».

Et l’expert de poursuivre : « Il est possible qu’il y ait des tentatives de mener une action militaire limitée dans certaines zones, tout en intensifiant la confrontation populaire ».

Le professeur de science politique a, également, mis l’accent sur le fait qu’au delà du lancement du mouvement de protestation, le plus important demeure d’en préserver la pérennité et d’en approfondir l’étendue pour qu’il soit global en incluant aussi bien la Cisjordanie que la Bande de Gaza ».

Il a indiqué que « la poursuite et l’extension de la confrontation dépendent de la volonté de la Direction politique et des factions et de la portée qu’elles veulent conférer à cette confrontation ».

L’expert a relevé que « tout levier sur le terrain contre Israël, qu’il s’agisse de levier militaire ou populaire, est utile pour les Palestiniens, particulièrement s’agissant du rapport des forces qui bascule en faveur de l'Occupation».

Par conséquent, a-t-il dit, le « mouvement populaire » peut représenter un acquis pour les Palestiniens durant cette étape, à condition que le commandement de ce mouvement et la définition de ses desseins soient coordonné entre les différentes factions et forces, et qu'ils ne soient pas concentrés dans des positions en particulier ou de manière sporadique.

Youcef estime que « l'intensification de la confrontation et de la résistance populaire » se doit d’avoir une dimension internationale, notamment à la lumière de l'existence d'un large front de rejet du processus d'annexion".

Le professeur met en garde contre la possibilité de l’émergence de différends et de problèmes entre les partisans de la résistance populaire pacifique et les adeptes d’une résistance armée.

Et Youcef de conclure : « J’appréhende qu’il subsiste un écart entre les déclarations de l'élite politique et celles des chefs territoriaux du Mouvement populaire. Il s’agit du principal défi que nous observerons en cas d’enclenchement d’une résistance sur le terrain ».

** Tendance vers l'escalade

De son côté, Ismet Mansour, analyste et observateur des affaires israéliennes, a estimé que « que la situation actuelle » contient les prémices d’une orientation de la situation vers l’escalade ».

L’expert a ajouté : « En cas de début de l’annexion, la situation pourrait se détériorer davantage dès lors que les gens ont perdu espoir et que l’Autorité palestinienne ne pourra pas persuader la rue d’éviter la confrontation, à cause, notamment, de son extrême faiblesse, d’autant plus qu’elle ne dispose pas d’alternatives pour faire face à la décision israélienne ».

« Cette réalité incite la Rue et certaines factions palestiniennes à l’affrontement, bien qu’Israël ne poussera pas vers l’escalade sur le terrain », a-t-il relevé.

S'agissant de la capacité des Palestiniens à s’engager dans une confrontation sur le terrain à long terme, Mansour a expliqué: « Personne n’est en mesure de prévoir la poursuite de la confrontation, notamment si le terrain parviendra à s'embraser. A ce moment là, comment parvenir à convaincre la rue de la nécessité d’une accalmie sans l’existence d’un horizon politique sérieux ».

Il a ajouté, à ce propos, que « toute confrontation qui pourrait éclater sera à même de produire des figures, des mécanismes et des forces qui seront influentes sur le terrain ».

S’agissant de l’impact et des retombées de la confrontation sur Israël, Mansour considère que tout cela demeure tributaire de l'étendue de « l’organisation» des protestations palestiniennes.

** Organisation des manifestations

A son tour, Omar Jaara, professeur de science politique à l'Université nationale Al-Najah (La Réussite, privée), prévoit l’enclenchement d’un "soulèvement" populaire en cas de mise en œuvre de la décision israélienne d’annexion de territoires palestiniens.

Il a indiqué dans une déclaration faite à l'Agence Anadolu que « le peuple palestinien ne dispose que de la voie de la Résistance populaire ».

Il prévient, cependant, que les précédentes expériences de la Résistance populaire palestinienne n'ont pas atteint les objectifs que les Palestiniens se sont assignés.

Jaara appelle à la nécessité « d'organiser et de planifier » les protestations, afin qu'elles puissent atteindre les réalisations souhaitées par le peuple palestinien.

*Traduit de l'Arabe par Hatem Kattou

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