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La pandémie de coronavirus met en lumière les inégalités sociales

La vie quotidienne est affectée par l'épidémie Covid-19 et les sociologues peuvent jouer un rôle vital pour atténuer les inégalités causées par celle-ci, selon le sociologue Lutfi Sunar.

Mona Saanouni  | 26.04.2020 - Mıse À Jour : 27.04.2020
La pandémie de coronavirus met en lumière les inégalités sociales

Ankara
AA - (Ankara) - Firdevs Bulut

Bien que cela ralentisse nettement la propagation du nouveau coronavirus, rester à la maison n'est pas une option pour certains, et le processus de confinement résultant de l'épidémie de Covid-19 met en évidence les inégalités sociales dans toutes les sociétés, explique un sociologue turc.

De nombreux pays, dont la Turquie, ont fondé des conseils scientifiques pour coordonner la lutte contre le Covid-19. Cependant, les problèmes sociaux, économiques, psychologiques et politiques qui surgiront après la pandémie ne nécessiteront pas seulement la présence des médecins et des agents de santé pour apporter le soutien nécessaire.

Selon le professeur Lutfi Sunar, sociologue de l'Université Medeniyet d'Istanbul, socialement et culturellement, nous ressentirons l'impact de la pandémie de nouveau coronavirus pendant longtemps, et pour cette raison les sociologues devraient se positionner en tête des spécialistes apportant des solutions pour les gens dont les vies, sont et seront affectées.

Sunar pense qu'il existe une possibilité de coopération interdisciplinaire, en Turquie et ailleurs, et que toutes les sciences devraient y contribuer.

Selon lui, une chose est sûre: les sociologues devraient quitter leurs tours d'ivoire et "retourner dans la vraie vie", dans une période aussi vitale que la situation actuelle.

- La sociologie est en faveur de la vie, et nous devons faire notre part dans cette crise

Sunar est convaincu que les sociétés ne sont pas des êtres mécaniques.

"La société a une structure opérationnelle « empathique », ce qui signifie qu'en cas de défi, elle est programmée pour en sortir d'une manière ou d'une autre. Cette structure quelque peu irrégulière est obtenue grâce à la coopération et à la solidarité entre les humains, qui sont considérées comme des «actions irrationnelles» par diverses sciences [humaines]".

"Par exemple, les émotions / situations telles que l'amour, la maternité et l'amitié sont des erreurs que les sciences sociales mécaniques ne peuvent tout simplement pas résoudre", précise-t-il.

Cependant, ces «erreurs parfaites» maintiennent la société en temps de crise, davantage que des institutions d'État, mécaniques, ou des structures ordonnées.



- Société à risques et virus

Du point de vue de la sociologie, cette épidémie a montré à quel point la vie humaine biologique est fragile, a déclaré Sunar.

"Ce fut un réveil douloureux de la modernité créant une idéologie de « société stérile ». Cet idéal est basé sur la revendication de l'immortalité des humains, mais il est maintenant une fois de plus ébranlé par des nombres de morts sans précédent, provenant [des pays] du monde entier", a-t-il commenté.

La peur de contracter le virus provoque des actions irrationnelles chez de nombreuses personnes. Nous avons vu que dans certains pays, les décideurs et les dirigeants n’ont pas compris la gravité de la crise, ce qui a entraîné des politiques irresponsables, qui ont également aggravé la crise.

"Nous sommes sur le point d'atteindre les limites de l'endurance socio-économique de certains pays, ce qui rend indispensable une structure efficace pour lutter contre le virus. Pour y parvenir, la collaboration de sociologues, anthropologues, virologues, épidémiologistes et experts en santé publique est nécessaire. Aujourd'hui, la priorité est de trouver des solutions à la maladie, mais nous devons également comprendre les raisons de cette crise à l'échelle mondiale et les mettre à l'ordre du jour", selon le sociologue.



- Le coronavirus démontre les inégalités sociales en Turquie et dans le monde

Selon l'expert, les mesures que de nombreux pays ont prises, se concentrant principalement sur le confinement à la maison des personnes, et les fermetures d'entreprises, sont importantes pour ceux qui ont un revenu stable et une garantie d'emploi.

Cependant, l'épidémie a touché de nombreux propriétaires d'entreprises privées, des travailleurs qui travaillent dans ces entreprises, et la pandémie prive de nombreuses personnes de leurs emplois et de leurs revenus.

Selon les analyses de données de l'Organisation internationale du travail (OIT), partagées avec l'Agence Anadolu par Sunar, les jours chômés annoncés en raison de l'épidémie de Covid-19 affectent 2,7 milliards de travailleurs, soit 81% de la main-d'œuvre globale dans le monde.

Au deuxième trimestre de l'année, environ 195 millions de personnes travaillant à temps plein (total de la classe ouvrière et des cols blancs) perdront leur heures de travail; et la classe ouvrière compensera cette perte.

1,25 Milliard de travailleurs sont employés dans les secteurs à haut risque. L'économie mondiale devrait reculer de 3% dans le meilleur des cas, 6% si nous faisons une estimation modérée et 10% dans le pire des cas.

Pour Sunar, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne en termes de travail à domicile. Si un secteur ne suspend pas le travail et fait revenir les travailleurs, ces travailleurs courent un risque beaucoup plus élevé.

Il en va de même pour les différences de revenus. Les emplois peu rémunérés tels que le fret et le transport, la nourriture et la fourniture de produits à l'industrie de base, fonctionnent encore jour et nuit.

Les données de l'Agence pour l'emploi de la Turquie (ISKUR) en mars, illustrent cette situation critique.

"Le nombre de chômeurs inscrits en Turquie a augmenté de 400 000 de février à mars 2020. Le fonds de travail à court terme du gouvernement a été mis en place fin mars, nous pouvons donc estimer que l'impact réel ne sera pas encore perçu en avril", a commenté l'expert.

Selon l'ampleur de cet impact, il pourrait y avoir une perte totale d'emploi de 13% en Turquie à la fin de ce processus. Cela équivaut à au moins 2 millions de chômeurs.

Les pertes d'emplois les plus importantes seront enregistrées dans le secteur du logement et de l'alimentation, suivies par le commerce de détail et le textile.



- Rester à la maison n'est pas une option pour certains

Sunar a souligné que rester à la maison n'est pas une option pour certains, même si cela freine la propagation du virus.

"Lorsque nous examinons les mesures prises par les gouvernements du monde entier, les fonds alloués pour sauver les gros sous ne peuvent être comparés à ceux alloués à ces classes.

"Tant que les programmes de sauvetage des gouvernements accordent la priorité aux gros capitaux, alors qu’une crise économique mondiale approche à grands pas, des ressources et une allocation de fonds limitées ne feront qu’aggraver les inégalités dans les sociétés ", a-t-il ajouté.

L'épidémie de Covid-19 a changé la donne en révélant les réalités socio-économiques des pays, en particulier des pays développés dotés de services de santé non organisés ou très coûteux.

Selon lui, "les couches les plus pauvres de la société, qui, même dans des circonstances normales, n'ont pas un accès approprié aux soins de santé, sont les plus vulnérables de cette période de crise. Alors que les gouvernements et les riches ont une part plus importante du revenu brut, cela signifie plus de dettes pour le reste."

Comme on peut s'y attendre, les pertes économiques de Covid-19 pour les gouvernements les obligeront à obtenir plus de prêts. Alors que l'économie se contracte, les revenus fiscaux des gouvernements diminuent également, ainsi leurs dettes atteignent des sommets.

Cela élargira l'écart entre les pays et entre les différents groupes de niveaux de revenu dans le même pays, a commenté Sunar.

Parallèlement à la pandémie, les inégalités coûtent également des vies, et créent des problèmes beaucoup plus vastes, dont les effets se font sentir depuis longtemps.

Sunar a ajouté: "Espérons que la pandémie en Turquie et dans le monde sera au moins équilibrée, et peut-être qu'un vaccin sera trouvé dans un an ou deux. Cependant, si les inégalités sociales ne sont pas réduites, il y aura un traumatisme durable en résultant pour les sociétés. "

Pour cette raison, les données sociologiques issues de la recherche sur les inégalités et la pauvreté devraient être utilisées régulièrement pour préserver et réhabiliter l'ordre social.

Les sociologues doivent toujours garder à l'esprit le fait que les mesures de contrôle et le rétrécissement économique auront des impacts différents sur différentes catégories de personnes, a-t-il souligné.
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