Afrique

L’Afrique a un problème avec sa mauvaise gouvernance non pas avec ses femmes (Experts)

-Le Président Français Emmanuel Macron a récemment pointé du doigt les «7 à 8 enfants » qu’aurait chaque Africaine. Un problème « civilisationnel » selon lui.

Hatem Kattou  | 12.07.2017 - Mıse À Jour : 13.07.2017
L’Afrique a un problème avec sa mauvaise gouvernance non pas avec ses femmes (Experts)

France

AA/France/Esma Ben Said

Le sous-développement de l’Afrique serait-il lié au fait que les Africaines font trop d’enfants comme le pense le président français Emmanuel Macron ? "Certainement pas" assurent plusieurs experts africains interrogés par Anadolu, qui pointent davantage "le manque de bonne gouvernance" sur le continent.

Interrogé sur le développement de l’Afrique, lors du sommet du G20, qui s’est clôturé samedi dernier à Hambourg, en Allemagne, le président français avait pointé du doigt les "7 à 8 enfants", qu’aurait chaque Africaine.

Pour Macron, le problème majeur du continent africain n’est donc pas économique, politique ou encore écologique mais plutôt « démographique ».

"Le défi de l'Afrique, il est civilisationnel aujourd'hui", a-t-il également dit.

Reconnaissant qu’il y a plusieurs facteurs de trouble comme les «Etats faillis ou les transitions démocratiques complexes» dans quelques pays africains, le président français a toutefois estimé que ceux-ci étaient "secondaires".

"Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien", a-t-il lancé.

Pour Macron, le développement du continent sera donc impossible tant que les femmes continueront d'avoir, comme il l'affirme, « de nombreux enfants ».

-Les Africaines ne font pas toutes "7 à 8 enfants"

S’il est vrai que l’Afrique connait une importante explosion démographique (elle comptabilisera, à l’horizon 2050, 1/4 de la population mondiale, selon de récentes données).

Les pays africains n’ont pour autant pas le taux de fécondité avancé par le président français même si certains pays affichent des moyennes élevées. La moyenne de l’Afrique sub-saharienne est d’ailleurs de 5 enfants par femme (contre 5.5 en 2007), selon de récentes statistiques.


"Le président français veut faire croire que tous les africains ont forcément plusieurs enfants et parle du continent africain comme s’il s’agissait d’un seul pays ou d’une seule entité territoriale, ce qui est une erreur grave. Si au Niger la moyenne est effectivement de 7 enfants par femmes, elle est de moitié moins dans de nombreux autres pays comme le Togo ou le Bénin", souligne Joseph Tsigbé, expert en gouvernance et enseignant chercheur à l’université de Lomé (Togo) interrogé par Anadolu.

Pour Tsigbé, lier la forte natalité au sous-développement est une idée erronée. "Entre le XVIe et XIXe siècle, période durant laquelle sévissait la peste noire en France, de nombreux foyers ont donné naissance à 8 ou 9 enfants afin de rattraper le retard démographique. Cela n’a pas empêché pour autant la France d’amorcer son développement", souligne le spécialiste.

"Aujourd’hui encore, il existe des foyers en France qui ont plusieurs enfants tout comme il y a des foyers en Afrique, composé d’un seul enfant ou deux. Le problème n’est donc pas culturel, ni civilisationnel comme le prétend Macron", ajoute-t-il.

Pour l’enseignant-chercheur, l’heure n’est plus "aux leçons".

"ll faut que l’on commence par respecter les Africains tels qu’ils sont et même si des gens estiment qu’ils peuvent apporter quelque soutien que ce soit au continent, cela ne leur donne pas le droit de se comporter en donneur de leçon. Nous sommes ce que nous sommes, désormais il faudra venir à nous comme cela, et non en endossant le rôle de professeur avec de telles déclarations", a-t-il insisté.

Revenant sur le passé de l'Afrique, l'expert rappelle qu'on ne peut séparer le sous-développement de l'histoire de l'Afrique, notamment la traite négrière et la colonisation.

"Dans la mentalité du noir Africain, il existe encore un complexe d’infériorité ingurgité durant la période coloniale. Le colon lui a toujours fait croire qu’il était inférieur à la race blanche. Cela a causé ce que j’appelle la colonisation psychologique qui ne permet pas aujourd’hui encore, le développement total du continent ", a-t-il indiqué.

- La démographie galopante : un fléau ?

Pour Alassani Sanny Agnoro, politologue, "les propos du président Macron sont un peu maladroits".

"Les femmes africaines ne font pas 7 à 8 enfants, et même si c'était le cas, en quoi cela empêcherait le plan Marshall de fonctionner ?", s'interroge-t-il.

D'après ce consultant en affaires stratégiques, économiques et géopolitiques "la forte démographie de certains pays est aussi la conséquence du sous-développement et pas le contraire".

"Les femmes africaines instruites et constituant la classe moyenne font rarement plus de trois enfants", note-t-il.

Toutefois, nuance Tsigibé, " dans certains pays d'Afrique, la démographie est transformée en richesse pour soutenir le développement".

D’après des prévisions publiées aux Etats-Unis par le Population Reference Bureau (PRB) la démographie galopante en Afrique s’explique en effet par une baisse du taux de mortalité due, essentiellement, à des améliorations en matière de santé publique.

Une aubaine pour de nombreux africains qui estiment que les enfants d’aujourd’hui, seront mieux lotis financièrement que leurs parents et pourront prendre ces derniers en charge et ainsi contribuer au développement économique du continent.

-Le problème du sous-développement en Afrique: la mauvaise gouvernance

La mauvaise gouvernance dans de nombreux pays africains posent un véritable problème au développement, s’accordent à dire les experts.

"Parce que dans plusieurs pays africains, la corruption règne en maître absolu, et les pays ne font pas un usage judicieux des ressources dont dispose le continent", estime l’enseignant togolais.

Alors, "dans ces conditions, il faut commencer par interroger la gestion des ressources dont nous disposons avant de penser à tendre les mains à l’aide extérieure et ce pour éviter que persiste la mentalité de 'colon' qui aboutit à de telles déclarations", ajoute-t-il.

Des propos que partagent l’économiste rwandais Teddy Kaberuka, joint par Anadolu, "l’ aide au développement devrait être canaliser dans l'appui à la bonne gouvernance et dans le renforcement du secteur privé afin d'être capable d'investir et donner de l'emploi à la population africaine qui est majoritairement jeune et sans débouchée", préconise l’ économiste.


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