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Décédé du coronavirus devant un hôpital tunisien : La famille de Jomaa Abboud réclame justice

- Les réseaux sociaux ont récemment diffusé une vidéo documentant la mort de Jomaa Abboud, lieutenant-colonel de police infecté par le coronavirus, devant un hôpital de la ville de Kairouan

Yosra Ouanes  | 01.07.2021 - Mıse À Jour : 01.07.2021
Décédé du coronavirus devant un hôpital tunisien : La famille de Jomaa Abboud réclame justice

Tunisia

AA / Kairouan (Tunisie) / Najeh Zaghdudi

Dans une maison de la zone de Siseb Al-Dhriat, dans la campagne du gouvernorat de Kairouan (centre), parents et voisins présentent leurs condoléances à la famille de Jomaa Abboud, en s'interrogeant sur la cause de sa mort et sur la véracité d'une vidéo qui circule sur les médias sociaux.

Une vidéo filmée dimanche par Radhi Najjar, responsable de l'Association "Sanadi" d'aide aux personnes âgées à Kairouan (indépendante), montre un adulte (un lieutenant-colonel de police de la délégation de Sbikha à Kairouan) luttant contre la mort devant un hôpital.

Najjar a déclaré à l'Agence Anadolu qu'il passait par là et a vu cet homme tomber à terre. Il a filmé la scène montrant le défunt agonisant, puis a publié la vidéo afin de, selon ses dires, "médiatiser son cas et la situation sanitaire critique qui prévaut à Kairouan".

Selon les témoignages recueillis par l'Agence Anadolu, le défunt a été pris d'un malaise soudain qui a nécessité son transport à l'hôpital.

Quelques heures plus tard, la famille a reçu la nouvelle de son décès par l'intermédiaire de son frère. Le défunt lui avait demandé de venir le chercher au vu de son état de santé instable et de son besoin de recourir à une autre prestation de santé, selon le récit de la famille.


** Le chagrin d’une famille en deuil


D'une voix rauque, conséquence de la douleur intense causée par la disparition de son mari, Jamila Makhlouf, la veuve du défunt, a expliqué au correspondant de l'Agence Anadolu qu'elle avait assisté son mari et l'avait accompagné à l'hôpital.

"Les gens me tenaient à l'écart de peur que je ne contracte le coronavirus, mais j'ai insisté pour le soutenir et l'emmener à l'hôpital", raconte-t-elle.

"Je l'ai aidé à se changer, il gémissait et me demandait de l'emmener à l'hôpital pour qu'il reçoive de l'oxygène", poursuit-elle.

Et Jamila Makhlouf d'ajouter : "En chemin, nous sommes passés devant le poste de police et ses collègues m'ont interrogée sur son état, je leur ai dit qu'il avait besoin de soins, puis je me suis rendue à l'hôpital local de Sbikha."

"À l'hôpital de Sbikha, ils lui ont fait passer quelques tests et m'ont dit qu'il était diabétique et ont décidé de le transférer à l'hôpital Ibn al-Jazzar. Ils ont refusé que je l'accompagne, alors je l'ai suivi des yeux jusqu'à ce que l'ambulance disparaisse", précise la veuve de Jomaa Abboud.

Et de poursuivre : "Quelques heures plus tard, la nouvelle de sa mort m'est parvenue alors que j'étais à la maison et je n'y croyais pas, alors je suis allée me renseigner d'un endroit à l'autre jusqu'à ce que je m'évanouisse. A mon réveil, j'étais entourée de gens venus me réconforter dans mon malheur."

"Il a passé 32 ans de sa vie au service de l'État. Nous l'avons perdu, moi et nos 5 enfants. Nous voulons que la justice suive son cours et lui reconnaisse ses droits", conclut la veuve éplorée.


Le frère du défunt, Boumediene Abboud, affirme pour sa part que la famille attend l'enquête du ministère public et le rapport du médecin légiste sur la mort de son frère.

"Ce que je sais, poursuit-il, c'est que mon frère est tombé par terre chez lui et que sa femme et un proche l'ont emmené à l'hôpital local de Sbikha. On a constaté que le taux de glycémie avait baissé et il a été transféré à l'hôpital Ibn Al-Jazzar de Kairouan."

Il ajoute que son frère souffre de problèmes de santé depuis 2010 pour lesquels il a été hospitalisé, mais qu'il continue à travailler.


** Une scène bouleversante


La veuve et le frère du défunt décrivent la scène de sa mort comme bouleversante. Après avoir visionné la vidéo, la famille n'a pas caché son indignation face à la réalisation et à la diffusion de la vidéo, et a critiqué le fait que le vidéaste ne soit pas intervenu pour sauver la vie de Jomaa Abboud ou pour faire appel à une ambulance.

Selon Boumediene, la famille a décidé de poursuivre le vidéaste en raison de l’impact psychologique et du choc subi par ses frères, sa veuve et ses enfants.


**Enquête médicale et judiciaire


Le directeur local de la santé de Kairouan, Mohamed Rouiss, a déclaré à l'Agence Anadolu que : "Le défunt a été admis à l'hôpital de Sbikha, où il a subi un examen rapide, au cours duquel il a été constaté qu'il était infecté par la Covid-19, pour être ensuite transféré au service des urgences de l'hôpital Ibn Al-Jazzar, où il a reçu de l'oxygène."

Rouiss a ajouté que le défunt a demandé à l'équipe soignante de quitter l'unité de triage (spécialement destinée aux patients atteints de Covid-19), et "malheureusement, il est décédé alors qu'il se trouvait dans la cour extérieure."

Une enquête médicale et judiciaire a été ouverte, lundi, par le ministère public pour déterminer les causes du décès, précise Rouiss.

La Tunisie a annoncé, mercredi, avoir enregistré 116 décès et 5 921 contaminations par le coronavirus (Covid-19), soit le bilan quotidien le plus lourd en termes de décès et de contaminations depuis l’apparition du virus dans le pays.

Avec ces nouvelles données, le bilan total des contaminations atteint les 420 103 cas avérés, dont 14 959 décès et 354 441 cas de guérison.

Mercredi, le nombre de personnes vaccinées contre le virus a atteint 1 821 431 (première dose) et 548 997 (deuxième dose), sur 11 millions et 700 000 habitants, selon le ministère de la Santé.


*Traduit de l’Arabe par Mourad Belhaj

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