Politique

Commerces fermés, routes bloquées, hommes armés, Bangui sous haute tension

Le siège de la gendarmerie nationale a été pris d'assaut dans la nuit de dimanche à lundi, celui de la radio nationale a subi une attaque concomitante.

Safwene Grira  | 28.09.2015 - Mıse À Jour : 28.09.2015
Commerces fermés, routes bloquées, hommes armés, Bangui sous haute tension

AA/ Bangui/ Sylvestre Krock/ Pacôme Pabandji

La situation reste extrêmement tendue, lundi matin dans la capitale centrafricaine Bangui, partiellement paralysée après un week-end de violences interconfessionnelles, provoquées par la mort d'un jeune musulman le jour de la fête du Sacrifice, a constaté le correspondant d'Anadolu.

Des barricades sont toujours érigées par la population, en colère, dans les principales artères de la partie Nord de la capitale, notamment dans les 4e, 5e et 8e arrondissements, où la circulation est quasiment inexistante.

Dans les principales artères, telle l'avenue Koudoukou, l'avenue des Martyrs ou l'avenue de l'Indépendance, qui relie le Nord au centre-ville, la vue d'hommes armés, assimilés par les habitants à des Anti-Balaka (milice ayant pris part au conflit interconfessionnel qui a agité le pays ces deux dernières années), finit par décourager quiconque voudrait gagner son lieu de travail.

"Quand bien même on prendrait son courage à deux mains pour sortir et aller au travail, les Anti-Balaka qui sillonnent certaines rues nous réduisent à rester cloîtrés chez nous" se plaint Patrice, fonctionnaire, la quarantaine, dans une déclaration à Anadolu.

Le Premier ministre Mahamat Kamoun avait appelé, la veille dans un discours transmis sur les ondes de la radio nationale, les fonctionnaires à reprendre le travail dès lundi matin, il avait également souhaité que les conducteurs des taxis et de bus facilitent cette reprise.

Le transport urbain reste toutefois absent à Bangui, excepté pour la partie sud de la capitale où quelques taxis ou motos s'aventurent à l'intérieur de segments délimités par des barricades jonchant encore quelques rues. Et si celles-ci sont absentes du centre-ville, les activités y sont tout autant paralysées, la population craignant pour sa sécurité après les événements du week-end, qui se sont prolongés jusqu'à dimanche soir.

"Un groupe d’hommes lourdement armés a pris d’assaut la base de la gendarmerie nationale dans la nuit de dimanche à lundi", a ainsi déclaré au correspondant d'Anadolu un haut gradé de la gendarmerie centrafricaine. Un bilan de 3 morts parmi les assaillants est annoncé par la gendarmerie qui a réussi à les "mettre en déroute".

"On n’a pas encore déterminé qui est derrière cette opération mais on sait que ce sont des malfrats en quête d’armes et de munitions", selon Olivier Danwil du service de la communication de cette institution, joint par Anadolu.

"Au même moment, le siège de la radio nationale subissait une attaque mais les gendarmes qui gardaient le bâtiment ont réussi à repousser les assaillants", précise la même source.

Ces deux attaques ont eu lieu pendant le couvre-feu, instauré quelques heures plus tôt par le Premier ministre Mahamat Kamoun, de 18 h à 6 h du matin, heure locale.

Cette mesure fait suite à un week-end de violences ayant entraîné la mort de 21 personnes, alors que pas moins de 80 blessés sont enregistrés, selon le Premier ministre centrafricain. Des sources hospitalières évoquent, toutefois, à Anadolu "au moins une trentaine de morts".

Devant l'urgence de la situation, le Coordonnateur humanitaire de l'Organisation des Nations unies en RCA, Marc Vandenberghe, a appelé dimanche  soir toutes les parties prenantes à respecter le droit humanitaire international, à ne pas porter atteinte aux civils et à leur permettre de quitter les zones de tensions en toute sécurité.

« En vertu du droit international humanitaire, je lance un appel pour le respect des obligations qui incombent à toutes les parties pour la protection de toutes les populations civiles en RCA et de préserver les structures de soin, et de permettre tant à tous les blessés, aux autres patients qu’aux agents de santé d'y accéder librement et en toute sécurité,» a déclaré Vandenberghe, dans un communiqué du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies.

La découverte, samedi à Bangui, du corps d'un jeune musulman décapité portant des mentions islamophobes a déclenché un vaste mouvement de protestation qui a dégénéré, alors que le pays ne s'est pas rétabli de la guerre interconfessionnelle qui l'a agité ces deux dernières années.

Alors que ce crime est imputé, selon des témoins, à une milice à dominante chrétienne, les Anti-Balaka, des Centrafricains de la communauté musulmane, minoritaire dans ce pays, s'en sont pris à des civils de confession chrétienne, en guise de représailles. Par crainte d'un nouveau cycle de violences, des populations de l'enclave musulmane de Bangui, PK5, ont déserté les lieux vers des sites de déplacés, alors que d'autres ont bloqué l'accès à ce quartier banguissois.

Un regain de tension, le plus grave depuis le début de l'année, qui intervient alors que la présidente intérimaire Catherine Samba Panza se trouve à New-York pour prendre part à un sommet des Nations unies.

Un calme précaire avait régné ces derniers mois, pendant lesquels les affrontements ont significativement diminué entre Séléka (milice à dominante musulmane, au pouvoir en 2013 et auteure d'exactions à l'endroit de chrétiens) et les Anti-Balaka, persécuteurs de musulmans, amalgamés aux Séléka.

Mais la résurgence de ces incidents, à moins de trois semaines des élections générales dans ce pays, interroge, selon des observateurs, la capacité des autorités centrafricaines à mener à son terme la transition politique pour en finir avec une longue période d'instabilité.

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