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A Bangui, l’Eglise Saint Mathias est encore protégée par des musulmans

Les fidèles chrétiens qui avaient déserté la paroisse depuis le début du conflit interconfessionnel centrafricain, songent à revenir à "Saint Mathias", restée intacte.

02.09.2014 - Mıse À Jour : 02.09.2014
A Bangui, l’Eglise Saint Mathias est encore protégée par des musulmans

AA/Bangui/Nacer Talel

Au cœur du quartier musulman Kilomètre 5, à Bangui, l’Eglise Saint Mathias, du nom du douzième et dernier apôtre du Christ, est catholique. Ses protecteurs eux, sont musulmans.  

Une scène qui tranche avec l’image apocalyptique renvoyée par la Centrafrique depuis une année, où les deux communautés apparaissent comme ennemis jurés.

 L’édifice s’est vidé de tous ses fidèles mais est resté intact : ses défenseurs veillent en effet au grain pour que «la maison de Dieu» ne porte jamais les stigmates du conflit.  

Omar, Yaya, et les autres jeunes du quartier se relayent pour la protéger.

Saint Mathias est modeste mais singulière. Bâtie il y’ a moins de cinquante ans, la paroisse est recouverte d’un toit vert pâle qui se plie en apparence comme un origami.

Ses murs aux couleurs de l’immaculé, arborent quant à eux une «dernière cène du christ » aux teintes flamboyantes. Dans la petite cour, l’autel «Notre-Dame de Lourdes», consacré à la Vierge Marie, est lui aussi inaltéré. Seuls les barbelés aux alentours de l’Eglise trahissent l’horreur des massacres qui se sont déroulés à quelques kilomètres de là.

A l'intérieur de la bâtisse, les bancs qui autrefois accueillaient la messe dominicale, sont désertés. Seul un vent frais souffle sur ce lieu de dévotion inondé de lumière.

Le chœur reçoit un socle sur lequel se dresse une statue du Christ faite de plâtre et de bois et surmontée de la célèbre inscription latine INRI, dite « titulus crusus », (Jésus le Nazaréen, roi des Juifs).

Au pied du « Messie », trois pots de plantes fanées depuis que les croyants ont abandonné l'endroit.

Pour les musulmans du quartier, ce lieu «ne doit jamais être touché». «On y veille», lance Omar Mohamad, la trentaine passée, «c'est la maison du Seigneur et l'Islam interdit la destruction des lieux sacrés», explique-t-il. 

« Les chrétiens du KM5 sont nos frères, ils ne nous ont jamais attaqués, les responsables des exactions sont les anti-Balaka en provenance des autres quartiers. C’est eux qui détruisent nos maisons et massacrent notre communauté», martèle encore l’homme.

Patrick, un chrétien qui n’a jamais quitté km5, confirme que «les deux communautés sont unies dans la paix et la foi».

 « Cela fait 54 ans que je suis là, et j’ai toujours vu les musulmans comme des frères. Nous sommes les mêmes, il n’y a pas de distinction entre nous, et jamais un musulman ne m’a fait de mal ou offensé, ils nous défendent d’ailleurs et défendent notre Eglise», explique le natif de Bangui. 

Yaya, lui, a 24 ans, et il avoue avoir été « très en colère lorsque des mosquées ont été attaquées par les anti-Balaka » et quand ces derniers ont tué plusieurs des siens. Mais le jeune homme reconnait aussi que «le conflit ne touche pas aux liens fraternels» qui l’unissent à ses amis chrétiens du km5.

Pour l’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, cette protection a été très précieuse : « le presbytère a été pillé il y’a quelques mois mais le reste de l’Eglise n’a pas été touché grâce à la surveillance des musulmans ». 

« Les chrétiens ont quitté les lieux par peur d’être attaqués, mais à présent ils sont prêts à revenir. D'ailleurs plusieurs d'entre eux qui s'étaient réfugiés près de l'aéroport de Bangui ont déjà fait leur retour et veulent retrouver les bancs de l'Eglise. Je suis convaincu que les choses s'amélioreront très vite et qu'on pourra de nouveau célébrer la messe à Saint-Mathias», a affirmé le l'archevêque. 

Musulmans et chrétiens de Km 5 espèrent que la cloche de Saint-Mathias rententira de nouveau au côté de l'appel à la prière de la mosquée Ali Babolo.

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